L’histoire

Depuis de nombreuses années, Julien conduisait un petit domaine viticole, bénéficiant de l’appellation « Corbière ». Il en livrait, chaque année, le raisin à la cave coopérative « Les Côteaux de Murviel ». Toutefois, un voisin lui ayant proposé de mettre son caveau à sa disposition pour la vinification dans des conditions financières avantageuses, Julien avait renoncé à apporter ses récoltes à la coopérative. Aussi, cette dernière l’avait-elle assigné en paiement de frais fixes et de pénalités au titre des campagnes 2010 et 2011.

Le contentieux

La sanction n’était-elle pas justifiée ? Selon l’article R. 522-3 du code rural, l’adhésion entraîne pour l’associé coopérateur l’engagement d’utiliser les services de la coopérative soit pour la totalité, soit pour une partie des opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire. Les statuts en fixent la nature, la durée, les modalités, ainsi que les sanctions applicables en cas d’inexécution.

Or, l’article 8 des statuts imposait aux associés coopérateurs de livrer la totalité des produits de leur exploitation lors de chaque exercice. En cas d’inexécution de leurs engagements, ceux-ci pouvaient être tenus de participer aux frais fixes et de verser une pénalité correspondant à 10 % des quantités qui auraient dû être livrées. Aussi, Julien n’ayant pas honoré son obligation d’apport au titre des années 2010 et 2011, devait être condamné à payer des frais fixes et des pénalités.

Mais il ne pouvait accepter une telle sanction. Il s’était retranché derrière l’article R. 522-2, disposant que « la qualité d’associé coopérateur est établie par la souscription ou par l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociales et toute société coopérative doit avoir à son siège un fichier des associés coopérateurs sur lequel ces derniers sont inscrits par ordre chronologique avec l’indication du capital souscrit ».

Cependant, faute de produire le registre de ses adhérents, ainsi que la date de leur souscription des parts sociales, la coopérative n’établissait pas la date initiale d’adhésion de Julien, ni celle de ses périodes d’engagement. Toute sanction devait dès lors, selon lui, être exclue.

Les juges avaient fait preuve de mansuétude. En l’absence de justification de la date d’adhésion initiale de Julien, il n’était pas possible de fixer la durée de ses engagements successifs, leur expiration, ainsi que ses obligations en matière de dénonciation. Il ne pouvait donc être sanctionné pour avoir renoncé à apporter son raisin à la coopérative. Pour la Cour de cassation, les juges ont appliqué exactement la règle de droit.

L’épilogue

La décision peut paraître sévère pour la coopérative, car il a longtemps été admis que la qualité d’associé coopérateur pouvait s’établir par la souscription d’une ou plusieurs parts sociales. Pourtant, c’est à la coopérative de rapporter la preuve de la date d’adhésion lorsqu’elle reproche à un associé de se retirer avant le terme de son engagement, en tenant à jour son registre des souscripteurs.