L’histoire

Exploitant un domaine viticole situé dans l’aire d’appellation Ventoux, Luc avait engagé Saïd en qualité d’ouvrier agricole, suivant quatre contrats à durée déterminée saisonniers des 10 juillet, 5 août, 5 décembre 2017 et 8 avril 2018, pour des travaux de préparation aux vendanges et d’entretien des vignes. Saïd avait quitté le domaine le 6 mai 2018. Il avait ensuite saisi le conseil des prud’hommes d’une demande de requalification de ses contrats saisonniers en contrat de travail à durée indéterminée.

Le contentieux

Le code du travail n’avait pas de secret pour l’avocat de Saïd, qui avait invoqué l’article L. 1 242-2 3°. Ce texte dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, notamment pour des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité, il est d’usage de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Le recours à des contrats saisonniers ne peut pas avoir pour effet de pourvoir durablement à un emploi nécessaire à l’activité normale de l’entreprise.

En l’espèce, les contrats signés par Saïd comportaient le motif « préparation de la vendange » et s’étaient succédé durant une période de près de dix mois. C’était bien la preuve que Saïd avait été engagé pour effectuer les tâches habituelles de l’exploitation de Luc. La requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée devait dès lors s’imposer.

Pour Luc, cette argumentation ne correspondait pas aux usages dans les exploitations viticoles. Les contrats avaient été conclus pour des travaux saisonniers de préparation de la cave et de la vendange de la campagne 2017-2018.

Le conseil des prud’hommes avait, pourtant, accueilli la demande de requalification de Saïd. La cour d’appel avait ensuite infirmé le jugement, en considérant que les contrats de travail saisonniers étaient valides.

Saïd ne s’était pas laissé abattre et avait saisi la chambre sociale de la Cour de cassation. Bien lui en a pris, car elle a accueilli son pourvoi et a censuré la cour d’appel. Le caractère saisonnier d’un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. En l’espèce, Saïd avait travaillé durant la période du 10 juillet 2017 au 6 mai 2018, à l’exception de quelques jours de congé. Il n’avait donc pas été affecté à l’accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durable.

L’épilogue

Devant la cour de renvoi, Saïd pourra se prévaloir des conséquences de la requalification de la relation contractuelle et demander la réparation financière de la rupture de son contrat de travail. Luc n’a-t-il pas été imprudent en concluant quatre contrats comportant le même motif pendant une période de dix mois ?