L’histoire
Louis avait fait l’acquisition d’un mas entouré de plusieurs parcelles boisées. Ces parcelles étaient traversées par un chemin, régulièrement emprunté par les piétons et les promeneurs, depuis la route principale, pour relier le village. Pour Louis, ce chemin était privé, ce qui l’autorisait à en limiter la jouissance. La commune, qui avait revendiqué la propriété du chemin, avait obtenu la désignation d’un géomètre-expert, qui l’avait délimité et fixé son assiette.
Le contentieux
Souhaitant mettre le cadastre en cohérence, la commune avait assigné Louis, devant le tribunal judiciaire, en bornage du chemin longeant les parcelles lui appartenant.
Elle avait fondé sa prétention sur les dispositions des articles L.161-1 et L.161-3 du code rural. Le premier précise que les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classées comme voies communales. Et selon le second : tout chemin affecté à l’usage du public, est présumé, jusqu’à preuve du contraire, appartenir à la commune. Une preuve qui incombe aux propriétaires riverains qui prétendent que ce chemin est un chemin d’exploitation.
Pour la commune, il n’y avait aucune hésitation. Le chemin en litige était bien affecté à l’usage du public, ce qui permettait d’affirmer qu’il lui appartenait. La demande de bornage devait être accueillie.
Mais Louis ne l’entendait pas ainsi. Le chemin se trouvait au milieu de sa propriété constituée par ses titres, lesquels ne mentionnaient l’existence d’aucune servitude. Pour Louis, dès lors qu’une personne détient un titre sur une parcelle sur laquelle n’est pas mentionnée l’existence d’une servitude ou d’un chemin rural, il appartient à la commune qui y prétend de démontrer qu’elle est devenue propriétaire dudit chemin par usucapion, en établissant une possession, paisible, continue et non équivoque. Aussi le chemin ne pouvait pas être déclaré appartenir à la commune au regard des titres de propriété.
Ni le tribunal, ni les juges d’appel n’avaient été convaincus par cet argumentaire. Il existait depuis au moins 1887 un chemin ouvert au public qui reliait le village à la route principale, affecté depuis de nombreuses années à l’usage du public, comme raccourci. Ce chemin était celui qui séparait les deux ensembles de l’actuelle propriété de Louis et les titres d’acquisition de ce dernier ne mentionnaient pas l’acquisition de ce chemin.
La demande de bornage du chemin était justifiée, ce qu’a confirmé la haute juridiction en rejetant le recours de Louis.
L’épilogue
La commune pourra faire apposer les bornes et inscrire le chemin sur le plan parcellaire annexé à la délibération du conseil municipal constatant son existence au vu de la décision des juges. Et Louis devra respecter l’usage du chemin et supporter les frais du bornage judiciaire.