L’histoire

Marcel et Judith étaient propriétaires de parcelles d’herbage bordant un chemin d’exploitation, situées en pays de Caux. Pour son entretien, une association syndicale libre (ASL) avait été constituée entre les propriétaires riverains.

Par acte notarié du 12 mai 2011, l’ASL avait procédé avec Marcel et un autre propriétaire à un échange de parcelles afin de modifier le tracé du chemin.

Le contentieux

Judith n’avait pas accepté cette modification qui rallongeait l’accès à ses parcelles. L’association syndicale n’avait-elle pas outrepassé ses prérogatives ? La modification du tracé du chemin n’impliquait-elle pas l’accord de tous les propriétaires riverains ? Aussi, Judith avait-elle assigné Marcel et l’Association syndicale en rétablissement de l’assiette du chemin dans son état initial.

Un petit rappel de la loi s’impose. Selon l’article L. 162-1 du code rural, « les chemins et sentiers d’exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l’absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l’usage en est commun à tous les intéressés. L’usage de ces chemins peut être interdit au public ". L’expression quelque peu archaïque, « en droit soi », signifie que chaque riverain est propriétaire du chemin selon une droite perpendiculaire à la limite de sa propriété, jusqu’à son point médian. Ces chemins ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s’en servir.

Ces principes étaient au cœur de la demande de Judith. L’association syndicale n’avait aucune compétence pour régulariser un échange de parcelles qui modifiait le tracé du chemin. L’association syndicale s’était défendue en précisant que l’opération avait été autorisée par un vote de ses membres au cours d’une assemblée générale.

"Cet échange rallongeait l'accès à ses parcelles"

Les juges avaient pris fait et cause pour l’ASL. La modification de l’assiette du chemin d’exploitation résultant de l’échange de parcelles conclu le 12 mai 2011 était opposable à Judith, propriétaire en droit soi de la partie du chemin dont elle était riveraine et dont le terrain était compris dans le périmètre syndical, l’opération ayant été autorisée par une délibération de l’assemblée générale. Judith, qui estimait son bon droit bafoué, avait saisi la Cour de cassation.

Et celle-ci lui a donné raison, en censurant la cour d’appel. En vertu d’une ordonnance du 1er juillet 2004, la modification de l’assiette d’un chemin d’exploitation n’entre pas dans l’objet de l’association syndicale regroupant les propriétaires des fonds riverains, chacun d’eux étant, en droit soi, propriétaire de ce chemin. En outre, les juges du fond auraient dû rechercher si tous les propriétaires ayant le droit de se servir du chemin d’exploitation, au nombre desquels figurait Judith, avaient consenti au déplacement de son assiette. Ce qu’ils n’avaient pas fait.

L’épilogue

Devant la cour de renvoi, Judith pourra prétendre au rétablissement de l’assiette du chemin d’exploitation dans son état initial et obtenir l’annulation de l’acte d’échange des parcelles consenti entre Marcel et l’ASL.