1. La défense d’un modèle agricole

Les futurs élus des chambres d’agriculture auront la tâche de représenter et de défendre les intérêts du secteur agricole. Pour être représentatif aux yeux des pouvoirs publics, un syndicat doit obtenir 10 % des voix. Une représentativité qui lui ouvre les portes dans plusieurs commissions locales comme les commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) ou encore les comités techniques des Safer. Autant d’instances où les syndicats ont l’occasion de défendre leur vision de l’agriculture.

Des visions que les représentants nationaux des syndicats (hormis le Modef) ont d’ailleurs pu débattre le 13 janvier sur la plateau de LCP en partenariat avec les groupes de presse Ebra et Ouest-France. Ils ont notamment pu y confronter leurs positions sur les thèmes du libre-échange, du revenu, de la Pac, des produits phytosanitaires, de l'eau, sur la simplification ou encore la transmission. 

2. L’influence des mobilisations dans le vote

Ces élections se déroulent après une multiplication des mobilisations agricoles depuis la fin de l’année 2023. Après ce que le sociologue François Purseigle appelle « un acte I », les actions se sont poursuivies depuis le dernier automne dans un second acte marqué par la perspective des élections professionnelles. C’est alors « une course à l’échalote », avec pour déclencheur les craintes de la signature de l’accord commercial avec le Mercosur, à laquelle a assisté le professeur à l’Agro Toulouse et membre de l’Académie d’agriculture. Les résultats des élections diront si les mobilisations ont pu créer une dynamique pour tel ou tel camp.

La FNSEA qui détient avec Jeunes Agriculteurs la quasi-totalité des chambres d’agriculture et conserve la même ambition pourrait en pâtir. « Certains sympathisants de la FNSEA peuvent parfois se retrouver dans le discours porté par certaines sections locales de la Coordination rurale », observe François Purseigle. Des « poches de porosité » qui pourront jouer un rôle dans des départements du Sud-Ouest et du Grand Est. « Il y a dans ces territoires des agriculteurs issus des rangs du syndicalisme majoritaire qui peuvent s’émanciper. Pour la Confédération paysanne, c’est plus compliqué parce qu’elle a moins de moyens et que ses rangs sont moins garnis dans certains départements. »

La Confédération paysanne y croit pourtant en déclarant avoir déposé une liste sous sa seule étiquette dans la quasi-totalité des chambres, sauf dans les Landes où elle s’alliera avec le Modef et en Corse avec la Mosa. Alors qu’elle affirmait avoir enregistré 20 % d’adhésions supplémentaires ces deux dernières années et assurait qu’elle créera « la surprise » lors d’une conférence de presse le 8 janvier, elle se fixe pour objectif de remporter dix chambres. Très présente dans les médias lors des mobilisations, la Coordination rurale affiche elle aussi son optimisme en déclarant publiquement espérer remporter le « maximum » de chambres. Le Modef, sur la ligne de départ dans 17 départements, espère conserver la Guadeloupe, gagner la Guyane, et Mayotte dont l’élection est reportée.

Les syndicats minoritaires l’emporteront « là où le syndicalisme majoritaire fera preuve de fragilité », anticipe François Purseigle. Cela tient notamment à la composition et au nombre de listes en lice. C’est le cas notamment en Haute-Garonne où quatre listes ont été déposées, dont celle à l'initiative du groupe Les Ultras de l'A64, né durant les mobilisations. Jérôme Bayle, figure de proue du mouvement, n’y est pas candidat pour « préserver sa liberté de parole et d’action », confiait-il à La Dépêche.

« C’est là où la FNSEA et Jeunes Agriculteurs sont en tensions, où il y a des problèmes d’hommes, que la Confédération paysanne et la Coordination rurale peuvent marquer des points », ajoute le sociologue. Exemple en Ariège où l’ancien président de la chambre d’agriculture élu sur une liste FDSEA en 2019 a monté cette année sa propre liste face à celle de la FDSEA/JA et une autre de la Confédération paysanne.

Le sociologue prévient toutefois. « Il faut relativiser car les agriculteurs restent attachés à un syndicalisme agricole de services, qui leur proposent de les accompagner notamment au moment de la transmission ou dans leurs dossiers Pac. Et la FNSEA reste l’organisation qui est la mieux dotée en la matière. »

3. Un contexte démographique particulier

Six ans après les élections de 2019, cette nouvelle course aux voix s’inscrit dans un contexte démographique qui pourra jouer un rôle. Les agriculteurs continuent de voir leurs effectifs diminuer d’année en année autour de 1 à 1,5 %. Les résultats du dernier recensement agricole de 2020 indiquaient que l’agriculture française avait perdu près de 108 000 chefs d’exploitation ou coexploitants en dix ans. Selon la MSA, entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2023 (derniers chiffres connus à ce jour), la France avait perdu près de 20 000 « chefs d’exploitation ou d’entreprise ».

Ce sont autant de votants en moins avec des nouveaux venus qui restent moins nombreux que les sortants. Alors que les transmissions d’exploitations deviennent de moins en moins familiales, cette nouvelle génération votera-t-elle et pour qui ? La Confédération paysanne trouve un écho auprès de ce public, observe François Purseigle. « Le salut de la Confédération paysanne passe par l’arrivée dans l’agriculture de ces jeunes mieux formés, très bien dotés culturellement, qui cherchent une sobriété heureuse et qui rêvent de microfermes. Sauf que pour l’instant ces jeunes ne permettent pas de compenser les départs importants à la retraite de ces vieux militants de la gauche paysanne », nuance le sociologue.

4. La participation au scrutin

Moins d’un agriculteur sur deux (46,22 %) a voté lors des dernières élections en 2019. C’était la deuxième fois de suite que le taux de participation diminuait par rapport à l’édition précédente. Il sera de nouveau scruté de près cette année car c’est aussi le nombre d’agriculteurs qui se mobilisent qui renforce la légitimité du syndicat arrivé en tête. Selon une enquête réalisée au printemps dernier auprès de 1 400 interrogés, 30 % des agriculteurs déclaraient n’être proches d’aucune organisation syndicale, relatait François Purseigle, tout en faisant le pari que « nombre d’entre eux n’iront pas voter ».

Mais la participation pourrait cette année être impactée par des retards de l’envoi du matériel de vote dans les boîtes aux lettres des exploitants. La Confédération paysanne  et le Modef s'en sont notamment inquiétés.  « Nous avons déjà des indications que des paysans ne vont pas recevoir leur matériel de vote dix jours avant la clôture du scrutin qui est la règle », constatait Laurence Marandola lors d’une conférence de presse le 8 janvier. Dans sa communication, le ministère de l’Agriculture indiquait que les électeurs recevront courant janvier les documents. Interrogé sur la bonne tenue du processus électoral ces dysfonctionnements soulevés par les syndicats, le ministère a répondu le 23 janvier qu’il était mobilisé sur le sujet.