« Le prix des engrais azotés est passé de 250 €/t à 850 €/t avec la guerre en Ukraine, trouver une alternative à leur usage m'intéresse », explique Emmanuel Laureau qui cultive 140 ha de blé, maïs, colza et betteraves sur le plateau de Saclay. Avec l'Inrae et la chambre d'agriculture d’Île-de-France, il a testé l'apport d'urine en substitution de l'engrais chimique sur 1 ha de blé au stade épi 1 cm.

« Nous avons testé la substitution sur le deuxième apport car celui du tallage mi-février risquait d’abîmer la structure du sol, la portance était faible sur le plateau de Saclay l'hiver, précise Morgane Vidal de la chambre d'agriculture. Le dernier apport en mai n'a pas été testé non plus car un passage avec un pulvérisateur serait difficile avec la forte biomasse du blé et nous ne voulions pas prendre trop de risque pour le taux de protéines. »

L'urine issue de festivals était composée d'environ 0,3 unité d'azote pour 100 litres (contre 33,5 u pour 100 kg d'ammonitrate 33,5, ou 39 u pour 100 l de Solution 39). « Nous avons eu un problème logistique lors de l'essai qui a entraîné une mauvaise étude de composition de l'urine et nous en avons apporté moins que prévu dans le protocole, souligne Morgane Vidal.

© Chambre d'agriculture de l'Ile-de-France - Les essais ont aussi montré que des pendillards pourraient être utilisés pour réduire la volatilisation.

Néanmoins, on peut conclure que sur blé, la substitution du deuxième apport d'engrais minéral par de l'urine est totalement envisageable concernant le taux de protéines car l'impact de la fertilisation en milieu de cycle est limité. » En rendement, une perte de 8 q/ha (par rapport au rendement du témoin de 128 q/ha fertilisé classiquement) a été enregistrée.

En cause : les apports d'azote plus faibles que prévu et le risque fort de volatilisation au vu du printemps sec. « En essai, nous utilisons un pulvérisateur avec des buses mais pour réduire la volatilisation, il faudrait utiliser des pendillards par exemple », précise Morgane Vidal.

16 à 33 m³ d'urines/ha

Un autre point de vigilance concerne la gestion des volumes : 33 m³ ont été nécessaires pour fertiliser 1 ha. « Il faut pouvoir les stocker, relève l'agriculteur et par ailleurs, mes terres sont peu portantes. » « Les urines issues de festivals sont assez diluées, précise la conseillère. Avec des urines issues de bureaux, la concentration en azote devrait atteindre 0,7 u pour 100 l, soit le double. Épandre 16 m³/ha suffirait donc, mais cela reste beaucoup. »

Pour Emmanuel Laureau, le résultat est concluant même si « au départ, j'avais des craintes concernant les résidus médicamenteux », se souvient-il. Pour rassurer les agriculteurs et caractériser l'accumulation des résidus médicamenteux dans le sol, une étude Med-UrinAgri sera lancée de 2023 à 2025.

Trois types d'urino-fertilisants seront testés sur maïs : urine non traitée, urine filtrée au charbon actif et urine filtrée par un procédé de nitrification sur protéines permettant de réduire les odeurs et la volatilisation (les nitrates étant plus stables que l'ammoniac).

D'ici à 2035, selon une étude de l’Établissement public d'aménagement Paris-Saclay, 170 ha pourraient être fertilisés avec des urines issues de bâtiments construits sur le plateau et équipés de toilettes avec une collecte séparative des urines.