La compétition pour la conquête des débouchés à l’exportation se traduit par un resserrement des écarts entre les principales origines concurrentes avec, en blé comme en orge, une lutte au coude-à-coude entre la France et la mer Noire.

Blé : France et Russie se marquent à la culotte

Le prix des blés français a peu bougé ces derniers jours, avec un léger raffermissement des prix exprimés en euros. Le rendu Rouen achève ainsi la semaine à 155 €/t (+2,5 €/t), tandis que l’échéance de décembre d’Euronext remontait de 1,5 €/t à 164,75 €/t jeudi soir. Mais, derrière cette stabilité, c’est une véritable dynamique qui s’est mise en branle depuis deux semaines : sur cette période, les prix russes ont en effet remonté de 5 $/t, poussés vers le haut par le raffermissement du rouble, par la réticence des agriculteurs à vendre à des prix très bas, et par le rythme actif de chargements dans les ports de la mer Noire.

Certes, les prix français n’ont pas profité de cette « miniremontada » russe pour progresser significativement, mais cela se traduit par un regain très net de compétitivité du blé tricolore face à l’ogre russe, les deux origines se trouvant désormais au coude-à-coude pour les prix exprimés en Fob. Cela met fin à l’anomalie qui s’était développée avec un prix français nettement au-dessus du prix russe, laissant la voie libre à l’exportation pour la Russie, principale concurrente de la France sur de nombreuses destinations vitales pour le bilan français.

Le match promet d’être rude : les pouvoirs publics russes ont annoncé la mise en œuvre de subventions au transport par rail pour l’acheminement des céréales aux ports, susceptibles de doper un peu plus l’exportation. Par ailleurs, les opérateurs russes semblent privilégier depuis quelques semaines l’exportation de blé au détriment des autres céréales, ce qui pourrait faire grimper le potentiel d’exportation de blé de la Russie, déjà annoncé à un niveau record. Enfin, le dernier appel d’offres du Gasc égyptien a, cette semaine encore, tourné en faveur de la Russie (achat de 175 000 tonnes). Toutefois, le nouveau rapport de compétitivité entre la France et la Russie et l’excellente qualité française laissent désormais entrevoir un possible retour du blé français dans la course à l’Égypte.

Une orge fourragère encore soutenue

La hausse du prix des orges s’est poursuivie cette semaine. Les orges fourragères gagnent de nouveau 4 €/t à Rouen (à 150,5 €/t) et celles de la Moselle 2 €/t à 145 €/t. Les sorties au départ de la France ne sont pourtant pas très élevées (1 000 tonnes contre 34 000 et 80 000 tonnes au cours des deux dernières semaines). Les prix français continuent en fait d’être tirés par les prix de la mer Noire qui ont gagné 4 $/t cette semaine.

Au départ de la mer Noire, c’est surtout l’Ukraine qui exporte alors que ce pays a récolté moins que l’an dernier (même si les résultats finaux de la récolte y sont meilleurs qu’attendu). La Russie, quant à elle, exporte peu d’orge pour l’instant, les terminaux portuaires favorisant actuellement le blé au départ de ce pays. Ce pays dispose pourtant d’une très bonne récolte (revue en hausse comme celle du blé) qui risque de peser sur les prix mondiaux à terme si elle réussit à s’exporter. Un autre élément pourrait rapidement peser sur le prix de l’orge : c’est le fait que l’orge et le blé valent presque le même prix désormais et que cela va faire perdre de l’intérêt à l’orge dans les aliments pour animaux.

Du côté des orges brassicoles, la progression est encore plus marquée cette semaine : +9 €/t pour les orges d’hiver à 164 €/t Fob Creil et +12 €/t pour les orges d’hiver (à 200 €/t). Les prix retrouvent les niveaux de la mi-août, soutenus notamment par la hausse des cotations fourragères.

Le maïs reste comprimé

La récolte de maïs vient juste de commencer en France et les rendements sont attendus nettement supérieurs à ceux de l’an dernier. La récolte française pourrait ainsi gagner presque 2 millions de tonnes par rapport à l’an dernier (à 13,8 Mt). La récolte se poursuit aussi aux USA (un peu moins de 10 % des surfaces récoltées) mais elle avance moins vite que d’habitude à cause des intempéries. Ce retard soutient le prix du maïs US pour l’instant (157 $/t Fob Gulf) alors que les maïs sud-américains et ukrainiens voient leur prix baisser cette semaine de 1 à 4 $/t cette semaine.

Les exportations au départ du Brésil vont bon train et la compétition entre les maïs de la mer Noire et ceux de l’Amérique du Sud est forte. Ces évolutions impactent les prix français qui perdent à nouveau 1 €/t sur la façade atlantique (à 151,25 €/t). En effet, face aux maïs importés du Brésil et d’Ukraine, le manque de compétitivité des maïs français à destination des autres pays européens reste un facteur de pression baissière.

Le dynamisme des ventes à l’international soutient très légèrement la fève

Les cours de la fève de soja US ont à peine progressé sur la Bourse de Chicago (+1 $/t à 356 $/t). Après avoir fléchi au début de la semaine sous l’effet de ventes techniques, les cours se sont vite redressés. Ils ont en effet été soutenus par la publication de l’USDA qui a très légèrement dégradé son pronostic concernant l’état des cultures. Parallèlement, la récolte qui vient tout juste de démarrer affiche un faible rythme par rapport aux campagnes précédentes à date égale. Autre facteur majeur de soutien des prix : l’administration US a annoncé la vente d’importants volumes de soja au milieu de la semaine.

Légère baisse du colza UE ; hausse du canola

La baisse du prix de l’huile de palme malaisienne a légèrement pesé sur les cours du colza européen. Le rendu Rouen a ainsi cédé 1 €/t (à 357 €/t) sur une semaine. Le Fob Moselle affiche, quant à lui, une baisse de 1,5 €/t (à 366 €/t), tandis que les cotations sur Euronext ont reculé de 1 €/t (à 367 €/t) sur la même période. La bonne progression de la récolte de tournesol fait aussi pression sur les cours du colza dans la mesure où certains opérateurs pourraient être contraints de vendre des stocks de colza afin de libérer de la place dans les silos. Signalons que la légère révision en baisse du rendement UE publiée par la Commission européenne au début de la semaine (à 3,25 t/ha) ne semble pas avoir impacté significativement les cotations du colza UE.

Les cours du canola canadien exprimés en devise locale affichent une légère progression sur une semaine (+3,5 $/t). Malgré la hausse des prévisions de production du Statcan (19,7 Mt contre 18,2 Mt précédemment), le marché semble en effet préoccupé par les mauvaises conditions climatiques qui ralentissent les récoltes dans les plaines canadiennes. Exprimé en dollars US, le prix du canola accuse néanmoins une légère baisse (–2 $/t à 398 $/t) qui s’explique par l’affaiblissement de la monnaie canadienne.

Les prix du tournesol à Saint-Nazaire ont cédé 10 €/t sur une semaine (à 320 €/t), un repli qui s’explique par le bon avancement de la moisson et les bonnes perspectives de production. La récolte est presque terminée dans l’est de l’UE. Elle est par ailleurs bien entamée en mer Noire où les volumes récoltés devraient atteindre des niveaux proches de 2016. Seul bémol : les premiers rendements en Ukraine sont un peu décevants. Des révisions en baisse de la récolte pourraient inquiéter les opérateurs et bousculer les prix. Il convient donc de suivre avec attention l’évolution de la situation.

Légère revalorisation des tourteaux UE

Les prix du tourteau de soja sont restés globalement stables à Chicago, à 341 $/t, la fève ayant à peine varié sur une semaine. Les tourteaux ont toutefois gagné 2 €/t à Montoir malgré la légère remontée de l’euro.

Par ailleurs, le pois départ Marne recule encore cette semaine (–6 €/t à 190 €/t), du fait des bonnes disponibilités.

À SUIVRE : rapport de compétitivité France-mer Noire, récoltes de maïs de l’hémisphère Nord, récolte de blé de l’hémisphère Sud, production et ventes US de soja, moisson canadienne de canola, récolte ukrainienne de tournesol.

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