La seule présence d’un ravageur, même en grande quantité, ne suffit pas toujours à expliquer sa nuisance sur les cultures. Encore faut-il qu’il soit en mesure de franchir certaines barrières. Aussi, pour lutter contre un nuisible, il est parfois déjà possible pour les agriculteurs d’activer ou d’entretenir des propriétés de « résistance » naturellement présentes dans les sols.

Un cas d’école

Parmi les dizaines d’exemples décrits dans les années soixante-dix par le chercheur de l’Inra Francis Chaboussou (1), la résistance des sols au piétin échaudage apparaît comme un cas d’école. En 1930 déjà, l’agronome Albert Demolon (2) constatait que l’action du piétin échaudage cesse dans les parcelles où des apports d’engrais organiques sont réalisés. Presque cent ans plus tard, le dossier est encore ouvert en matière de recherche appliquée. Ainsi, le 19 mai dernier, Claude Maumené, responsable maladies et méthodes de lutte chez Arvalis, observait dans une conférence organisée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (3), le rôle fondamental du microbiome du sol (écosystème microbiologique) dans l’expression du piétin échaudage. Selon lui, des sols qui ont naturellement la propriété de résistance la perdent lorsque le sol est stérilisé à la chaleur. En revanche, des « greffes de sols » permettent de transférer cette propriété à d’autres sols. Le spécialiste d’Arvalis explique ces résultats par la présence de la bactérie Pseudomonas fluorescens. Celle-ci serait sensible aux pH élevés.

Des résultats d’essais (site de Bignan, dans le Morbihan, 2018), décrits par Arvalis, ont montré que la pratique du chaulage en contexte à risque, comme la culture de blé sur blé, favorise la maladie avec entre 53 et 65 % de racines touchées contre 41 % pour le témoin. Pour la même raison, des essais (Bignan, 2018) ont montré que la fertilisation au sulfate d’ammonium limite l’intensité de la maladie à 22 % contre 45 % avec l’ammonitrate.

Biodisponibilité

En parallèle, de nombreux travaux ont montré que la sensibilité des céréales à paille au piétin échaudage est très souvent liée à une non-disponibilité de l’élément manganèse dans le sol (4).

L’agriculteur chercheur Francis Bucaille a ainsi expérimenté avec succès en contexte de blé sur blé des épandages localisés au sol de manganèse réduit et, donc, biodisponible à environ 2 kg/ha. Il estime avoir pu supprimer totalement la maladie (lire l’encadré). « Ces applications fonctionnent à titre préventif. Mais le même résultat peut être obtenu en prenant soin de la vie du sol », remarque-t-il. En effet, les bactéries Pseudomonas fluorescens sont bien connues pour effectuer la réduction du manganèse et ainsi rendre le minéral biodisponible pour les plantes. Alexis Dufumier

(1) Santé des cultures, 1985. (2) Dynamique du sol, Dunod 1932. (3) Inrae : « Le microbiome, un univers inconnu et prometteur », visionnable sur YouTube. (4) « Optimizing manganese fertilization for the suppression of take-all patch disease on creeping bentgrass ». Crop Science, 2003.