« La température corporelle d’une vache est supérieure à la nôtre de 2°C. De ce fait, lorsque nous sommes “ juste bien ”, les bovins ont déjà chaud et sous-produisent », explique Miranda Millérioux, vétérinaire consultante en nutrition et biochimie des ruminants. « Leur rumen, à l’image d’une grosse cuve de fermentation, constitue une importante source de chaleur », complète Jérôme Pavie de l’Institut de l’Élevage (Idele). Lorsque la température et l’humidité grimpent, les bovins sont ainsi plus sensibles que les humains.

 

En situation de stress thermique, les bovins réduisent leur ingestion et leur métabolisme pour limiter la production de chaleur interne. Cette adaptation induit inévitablement des pertes de productivité, mais les conséquences peuvent être parfois bien pires. « Entre 42 et 45°C, l’organisme perd le contrôle de la température corporelle et l’animal peut mourir si l’éleveur n’intervient pas en apportant de l’ombre, de l’air ou une douche », prévient Miranda Millérioux.

 

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Des impacts sur la production

Selon l’intensité des épisodes caniculaires, l’Idele estime la baisse de la production laitière entre 2 et 15 litres par vache et par jour. « Pour les bovins à l’engraissement, les effets des fortes chaleurs sur les pertes de croissance et de poids sont moins perceptibles. D’autant que des phases de compensation peuvent avoir lieu à l’approche des jours plus favorables », indique Jérôme Pavie.

 

Les baisses de production ne sont que « la partie immergée du stress thermique », alerte Miranda Millérioux. « Des études montrent que les ruminants deviennent plus sensibles aux maladies infectieuses, notamment mammaires, ainsi qu’aux parasites », poursuit la vétérinaire. Leur reproduction est également altérée. « Les animaux mettent en veille leurs fonctions non essentielles », explique Jérôme Pavie.

 

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Évaluer le stress thermique

Pour y voir plus clair, un indice de température et d’humidité (THI) permet d’évaluer le niveau de stress thermique chez les ruminants. « On considère qu’au-delà d’une valeur de 68, correspondant par exemple à une température de 22 °C avec à une humidité relative de 50 %, une vache laitière subit déjà un stress léger », rapporte l’Idele (voir ci-dessous). L’application mobile HappyGrass propose un module “stress thermique”. Une alerte est déclenchée dès que le seuil de stress choisi est franchi.

 

Repères pratiques pour comprendre et évaluer l’impact potentiel du stress thermique sur les ruminants. Les niveaux de stress thermique sont définis par le THI (Temperature Humidity Index), qui prend en compte la température ambiante et l’humidité relative. Source : La ventilation des bâtiments d’élevage de ruminants
Repères pratiques pour comprendre et évaluer l’impact potentiel du stress thermique sur les ruminants. Les niveaux de stress thermique sont définis par le THI (Temperature Humidity Index), qui prend en compte la température ambiante et l’humidité relative. Source : La ventilation des bâtiments d’élevage de ruminants

Adopter les bons réflexes pour le confort de ses animaux

En période de fortes chaleurs, de bons gestes sont à adopter pour favoriser le confort de ses animaux. « Les quantités d’eau consommées par animal augmentent fortement en période chaude. Il faut donc veiller à l’approvisionnement quotidien d’eau fraîche et propre », souligne Jérôme Pavie.

 

S’agissant de l’alimentation, « l’augmentation des fréquences de distribution contribue à stimuler l’appétit. Il est également conseillé de distribuer très tôt le matin (60 % en quantité) et plus tard le soir (40 %), lorsque les températures redescendent », conseille Jérôme Pavie.

 

De même, le risque d’acidose ruminale est à surveiller. « La baisse de consommation d’aliment est accompagnée d’une moindre activité ruminale et donc, d’une baisse de salivation. Pour substituer cette moindre production de salive, qui a un effet tampon sur le pH ruminal, il est recommandé d’ajouter des carbonates dans la ration », poursuit Jérôme Pavie.

 

Au pâturage, la présence d’arbres, de lisières et de sous-bois constitue une vraie protection. « Les zones d’ombre peuvent réduire la température ambiante de 3 à 5°C », note Jérôme Pavie. En l’absence d’ombre en prairie, « le bâtiment doit constituer une zone de confort. Si l’amélioration des pratiques d’élevage et de la ventilation naturelle ne suffisent pas, la ventilation mécanique est un recours. L’apport d’eau, sous forme de brumisation ou douchage, ne viendra qu’optionnellement et en appoint », précise Bertrand Fagoo de l’Idele.

 

« Jusqu’ici, les bâtiments d’élevage étaient surtout adaptés pour protéger du froid. Demain, les infrastructures devront être conçues pour supporter des températures élevées », conclut Jérôme Pavie.