« Sur Euronext, le rapproché du blé meunier, comme son échéance suivante, poursuit sa progression depuis mars, dans un contexte de repli de l’euro (lire l'encadré) à son plus bas niveau depuis novembre », retraçe Clémence Lenoir, chargée d’études économiques sur les grandes cultures, lors de la conférence mensuelle sur les marchés céréaliers de FranceAgriMer, le 17 avril 2024. Les origines européennes ne sont « pas du tout compétitives » par rapport aux origines ukrainiennes et russes, indique-t-elle. Pour preuve, le dernier appel d’offres du Gasc (Égypte) remporté par l’Ukraine.
À l’international, les prix du blé tendre sur le marché physique connaissent également un rebond par rapport au mois dernier, principalement du fait des conditions climatiques qui entraînent de moindres perspectives de surfaces et de récoltes, notamment en Europe, constate Marc Zribi, chef de l’unité des grains et du sucre de FranceAgriMer. Des hausses de l’ordre de 2 à 4 % en moyenne, et jusqu’à 8 % pour le blé argentin. Dans ce paysage, le blé français grade 2 rendu Rouen, qui grimpe de 2,7 %, se positionne « relativement bien » face aux autres origines, mais reste supérieur aux prix russes et ukrainiens.
L’Algérie manque à l’appel
Une concurrence russe et ukrainienne qui perdure, et qui s’illustre dans les volumes de blé tendre tricolore exportés en dehors de l’Union européenne : FranceAgriMer a rabaissé ses estimations de 150 000 tonnes, portant les ventes vers les pays tiers sur 2023-2024 à 10 millions de tonnes, contre 10,15 en 2022-2023. « Le blé français manque de compétitivité vers l’Afrique du Nord et notamment vers l’Algérie », releve Adèle Dridi, chargée d’études économiques chez FranceAgriMer. 1,2 million de tonnes y ont été exportées entre le début de la campagne et le mois de mars, un repli de 28 % par rapport à la campagne précédente. En Chine en revanche, le rythme est deux fois supérieur à 2022-2023, avec 2,1 millions de tonnes exportées à la fin de mars.
Vers l’Union européenne, les prévisions sur l’ensemble de la campagne sont rehaussées de 87 000 tonnes, grâce à une progression des ventes prévues vers le Benelux, l’Allemagne et l’Irlande. Ainsi à la fin de mars, « le cumul exporté rejoint celui de 2021-2022 », compléte la spécialiste.
Les premières prévisions d’Ukragroconsult pour la campagne de commercialisation 2024-2025 tablent une nouvelle fois sur une production russe massive, de 94 millions de tonnes (92,8 en 2023-2024). Le disponible exportable du pays est à ce stade imaginé inférieur à 2023-2024 (45 contre 51 millions de tonnes). « Mais compte tenu du stock de report attendu en 2023-2024, il est possible que la nouvelle campagne se traduise également par une offre très abondante de céréales et de blé russe sur les marchés », analyse Marc Zribi.
Chute de la demande en orges du Moyen-Orient
Les prix mondiaux des orges progressent également, de 2 à 4 % sur un mois selon les origines (3,5 % pour la France) dans un contexte de marché « relativement calme », rapporte Marc Zribi. À noter, du côté du commerce mondial, une baisse significative de la demande du Moyen-Orient. « L’Arabie Saoudite notamment en importait encore 7 millions de tonnes il y a quatre ans », signale l’expert. Contre 2,6 Mt en 2023-2024, selon les dernières estimations de l’USDA (ministère de l’Agriculture américain), qu’il a rabaissées de 1 million de tonnes le 11 avril par rapport à ses prévisions de mois dernier. Repli toutefois compensé par la hausse des importations chinoises, de 1 million de tonnes également.
En France, FranceAgriMer rehausse de 200 000 tonnes, en avril, ses prévisions d’exportations vers les pays tiers, tirées par la Chine. Elles atteindraient ainsi 3,6 millions de tonnes, contre 3,1 millions de tonnes en 2022-2023. Vers l’Union européenne, les ventes sont estimées à 3 millions de tonnes, contre 3,18 millions de tonnes la campagne précédente.
Tarissement du flux ukrainien
Quant au maïs, ses prix sur le rapproché sur Euronext restent dans le sillage du blé meunier, « en hausse continue depuis le mois de mars pour atteindre, le 15 avril, son plus haut niveau en trois mois », présentait Clémence Lenoir. Sur le physique, les origines Brésil (+7,2 %) et France (+4,5 %) progressent le plus, « toujours à la faveur des révisions à la baisse des productions, notamment en Argentine et au Brésil », ajoute Marc Zribi.
En France pour 2023-2024, les importations sont revues en baisse de 70 000 tonnes par FranceAgriMer, à 330 000 tonnes, « au vu de l’abondance de la production nationale », justifie Adèle Dridi. Les prévisions d’exportations, quasi intégralement réalisées dans l’Union européenne, sont rehaussées de 50 000 tonnes, à 3,53 millions de tonnes (contre 3,32 millions de tonnes en 2022-2023), principalement sur l’Europe du Sud avec un flux ukrainien « peut-être un peu moins important ». « Il y a néanmoins des échos d’annulation d’achats de maïs ukrainiens par la Chine. Ces volumes pourraient se reporter sur l’Europe du Nord », prévient la spécialiste.