De nouveau, nette baisse des prix cette semaine en grains en raison de la compétition de la mer Noire, de nouveau en blé, et de l’hémisphère Sud en orge. Le colza chute aussi sur fond d’accord UE-Argentine pour le biodiesel.

Les prix du blé décrochent

Nous soulignions le bon degré de compétitivité des blés français la semaine dernière : les blés français valaient 12 $/t de moins que les blés russes la semaine dernière et nettement moins cher aussi que les blés argentins. Effectivement, après avoir remporté une partie du dernier achat égyptien, les blés français étaient bien placés ces deux derniers jours pour remporter une large part de l’achat de 600 000 tonnes que l’Algérie a passé hier soir (14 février) ou de celui de la Tunisie (100 000 tonnes) le 13 février.

 

Néanmoins, malgré cette situation, les prix français ont nettement décroché cette semaine, perdant 5 €/t (à 192,5 €/t rendu Rouen en base juillet et 8,5 €/t sur Euronext à l’heure de rédiger cette note). Une partie de cette baisse s’explique probablement par des raisons techniques en lien avec l’arrivée à échéance des options sur mars 2019. Néanmoins, ce n’est pas la seule explication. La raison de cette chute est probablement, une nouvelle fois, à chercher du côté de la Russie : les prix du blé y ont perdu 6 $/t en quelques jours sous l’effet de plusieurs facteurs. D’une part, le rouble a nettement chuté au cours des trois derniers jours ; d’autre part, la perte de parts de marché de la Russie à destination de l’Égypte a sans doute constitué un facteur de pression.

La pression russe de nouveau ?

Enfin, lors d’une réunion avec les exportateurs, le ministère de l’Agriculture russe a ré-annoncé un objectif d’exportation de blé pour le pays à 37 Mt, ce qui apparaît élevé par rapport aux disponibilités (et laisse donc suggérer que la récolte est peut-être encore légèrement sous-estimée). Néanmoins, les estimations du ministère sont assez surprenantes, ce dernier ne publiant pas de chiffres cohérents entre sa prévision des exportations de blé et celle des exportations de tous les grains… Quoi qu’il en soit, cette annonce a joué son rôle baissier si bien que les prix russes ont chuté pour l’exportation (Fob) alors que les valeurs des blés russes se renchérissaient sur le marché intérieur.

 

Les blés français ont donc réagi pour maintenir leur compétitivité, nécessaire pour leur permettre d’exporter les presque 9,5 Mt que nous prévoyons vers les pays tiers.

 

Outre ces facteurs, l’on peut citer aussi la pression que les importations très élevées de maïs dans l’UE exercent sur les prix du blé et de l’orge. Ces dernières devraient toutefois ralentir après un rythme effréné au début de la campagne et des stocks importants dans les ports du sud et du nord de l’UE désormais.

Concurrence australienne en orge

Le plongeon des orges s’est prolongé avec une perte de 14 €/t cette semaine à Rouen (166 €/t rendu Rouen en base juillet) ou de 12,5 €/t en Moselle (à 167,5 €/t).

 

Comme on le soulignait la semaine dernière, c’est la compétition à l’exportation qui tire les prix. Les orges européennes (françaises surtout) étaient pourtant devenues bien moins chères que les orges de la mer Noire depuis deux semaines. Mais cela ne suffit pas car ce sont maintenant les orges de l’hémisphère Sud qui mènent la danse : malgré une production en baisse par rapport à l’an dernier, les orges australiennes ont laissé leur prix chuter très nettement pour essayer de capter des débouchés qui puissent remplacer le débouché chinois menaçant de disparaître.

 

En effet, la Chine est en train de mener son investigation anti-dumping contre les orges australiennes et le risque d’imposition par la Chine d’une taxe prohibitive contre les orges de l’Australie devient de plus en plus probable. En parallèle, les orges argentines font le pressing pour se positionner sur le marché mondial, bénéficiant d’une récolte prévue depuis longtemps en hausse mais qui est sans doute un peu plus élevée que prévu.

 

Les orges françaises doivent donc s’ajuster pour tenter de défendre le débouché de l’Afrique du Nord et une part du débouché saoudien.

De gros stocks de maïs dans les ports européens

Le prix du maïs vient de perdre 7 €/t à Bordeaux (167,5 €/t en base juillet) mais 2 €/t seulement Fob Rhin (à 167 €/t). Les perspectives d’exportations des maïs français restent largement concurrencées par les volumes énormes de maïs des pays tiers (ukrainiens notamment) et les gros stocks qui se sont constitués dans les ports. Le maïs est pourtant très attractif dans les rations animales mais il faudra du temps pour digérer tous les volumes importés.

 

A l’échelle mondiale, pas d’élément pour l’instant pour venir changer la donne : les perspectives de production en Amérique du Sud restent bonnes et les semis de maïs aux USA ce printemps s’annoncent en légère hausse.

Effondrement des cours du colza français

L’accord entre l’Union européenne et l’Argentine permettant aux producteurs de biodiesel argentin d’avoir accès au marché européen est entré en vigueur cette semaine, juste après la publication au Journal officiel de l’UE du règlement détaillant les termes de cet accord. L’UE institue des droits compensateurs définitifs sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine. Ils sont compris entre 25 % et 33,4 % selon les entreprises.

 

Toutefois, les producteurs argentins qui s’engagent à respecter un prix minimal à l’importation dans l’UE sont exemptés de droits de douane dans la limite d’un volume annuel d’importations équivalent à 10 % de la consommation moyenne de l’UE entre 2014 et 2018 (c’est-à-dire un volume annuel limité à environ 1,2-1,3 Mt). Au-delà de ce volume, les entreprises argentines sont redevables du droit de douane compensateur.

 

Le prix minimal à l’importation est lié à la moyenne mensuelle des cotations de l’huile de soja publiées par le ministère de l’Agriculture argentin, qui tiennent compte de la taxe à l’exportation (prix Fob). En l’absence de problème majeur pour la production de biodiesel en Argentine, le contingent annuel devrait vraisemblablement être utilisé dans sa totalité. Cela va limiter les besoins en huile de colza pour la production de biodiesel de l’UE sur les prochaines années, ce qui devrait freiner par ricochet la trituration de colza dans l’UE.

 

De plus, une grève touche depuis la semaine dernière 4 sites du groupe Avril, dont plusieurs usines de trituration, qui sont à l’arrêt. Ainsi, depuis la semaine dernière, le prix du colza a reculé de 8,50 €/t rendu Rouen et de 7 €/t Fob Moselle. Le prix sur Euronext recule de 5 €/t.

Pessimisme sur le marché du soja US

Les négociations entre les USA et la Chine continuent de dicter l’évolution des cours mondiaux. L’avancée des discussions entre les deux parties est lente, et l’approche de la fin de la trêve entre ces deux pays sur les hausses de droits d’importation au 1er mars fait craindre une prolongation de la période d’attente et une non-résolution du conflit avant encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois. De plus, avec la reprise de la publication de l’USDA, l’annulation de ventes de plus de 800 000 tonnes de soja US à la Chine a été révélée et a contribué à plomber les cours.

 

Dans l’hémisphère Sud, la récolte brésilienne progresse et l’impact de la sécheresse de décembre et janvier est encore difficile à appréhender. Les estimations de récolte diffèrent fortement selon les opérateurs : le volume réel pourrait donc réserver des surprises et affecter les prix assez nettement. En Argentine, les conditions climatiques sont toujours plutôt bonnes, tout comme l’état des cultures. Le rendement pourrait être excellent, les plantes ayant bénéficiant des conditions chaudes et humides des derniers mois – bien que des champs aient été inondés en raison de précipitations excessives, mais cela reste un phénomène limité géographiquement.

 

Négociations ralenties et bonnes conditions des cultures ont ainsi pesé sur le cours du soja cette semaine : il perd 4 $/t sur le rapproché et 3,5 $/t sur l’échéance de mai 2019. Le tourteau de soja lui se maintient sur le marché de Chicago, avec une bonne demande sur le rapproché. A Montoir, le prix du tourteau rebondit même de 3 €/t, hausse liée en partie à une nouvelle baisse de l’euro face au dollar.

 

Le pois fourrager a, quant à lui, perdu 6 €/t sur la semaine (départ Eure-et-Loir), faisant suite à la chute du prix du blé sur le marché français. Ce recul lui permet de rester attractif dans les rations animales.

Le tournesol tire son épingle du jeu et continue de grimper

Avec la hausse du cours du tournesol en mer Noire, liée à une bonne dynamique d’achats de la Turquie, le prix du tournesol européen continue de se renchérir, à l’inverse de ses concurrents, colza et soja. Ainsi, le tournesol augmente de 2,50 €/t sur la semaine à Saint-Nazaire.

 

À SUIVRE : nouveau rebond ou non des prix du blé russe, évolution du différend Chine-Australie en orge, prolongation ou non des négociations commerciales USA-Chine, exportations US de soja, climat en Argentine (soja), climat en Europe et mer Noire (colza), révisions de la production de soja au Brésil.