Hausse des prix sur tous les créneaux céréaliers cette semaine avec une révision à la baisse des stocks américains de maïs par l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture, des craintes sur les rendements du blé dans l’hémisphère Sud et des achats dynamiques en blé et orge. Le colza reste de marbre en revanche, sous la pression des importations.

Hausse du blé en Europe et sur le marché mondial

L’orientation est restée haussière cette semaine pour le blé, les prix français profitant tout d’abord d’une envolée à Chicago puis de plusieurs achats importants. Le maintien de l’euro à moins de 1,10 dollar reste aussi un facteur de soutien pour les blés européens. Au début de la semaine, l’USDA a publié un rapport sur l’état des stocks américains au 1er septembre et ce rapport a mis en évidence des réserves de maïs et de soja inférieures aux attentes.

 

L’USDA a aussi révisé à la baisse la récolte de soja en 2018. Dans un autre rapport publié aussi lundi dernier, il a réduit son estimation de la récolte américaine de blé de 2019. Cette dernière se situe maintenant à 52,7 millions de tonnes au lieu de 53,9 millions de tonnes auparavant. Ces révisions ont tiré les prix américains vers le haut, la montée du maïs et du soja renforçant celle du blé.

 

C’est surtout le blé d’hiver SRW (qualité meunière basse) qui a réagi. Cette marchandise est celle qui est directement en concurrence avec le maïs pour l’alimentation animale. Néanmoins, les prix des blés de printemps demeurent soutenus en Amérique du Nord à cause du retard des moissons, aux États-Unis comme au Canada. Des risques de gel viennent aussi aggraver la situation au Canada.

Sécheresse dans l’hémisphère Sud

Les inquiétudes dans l’hémisphère Sud ont aussi contribué à la tendance haussière cette semaine : les dégâts dus à la grave sécheresse apparaissent de plus en plus importants en Australie et des poches de sécheresse ont probablement endommagé le potentiel de récolte en Argentine. Dans ces deux pays, nous revoyons nos estimations de production en baisse comme au Kazakhstan où la progression de la moisson confirme des rendements nettement inférieurs à ceux de l’an dernier.

 

En conséquence, l’ensemble des blés se sont appréciés cette semaine :

  • De 3 €/t en France rendu Rouen, à 167,75 €/t, en base juillet ou 189 $/t Fob (+4 $/t) ;
  • De 4 $/t aux États-Unis pour le blé SRW, à 213 $/t Fob Gulf ;
  • De 7 $/t au départ de la mer Noire, à 195 $/t Fob pour le blé meunier à 12,5 % de protéines et à 190 $/t pour le blé fourrager ukrainien.

Les blés russes et ukrainiens ont suivi la tendance générale, mais ils ont, en plus, été influencés par la lenteur des ventes au départ de l’intérieur du pays : moins de disponibilités, travaux des semis d’hiver et prix proposés jugés trop bas jusqu’à maintenant. Par ailleurs, l’avancée des exportations est telle en Ukraine que les disponibilités vont bientôt commencer à se réduire. Le pays a vendu presque 9 millions de tonnes jusqu’à maintenant, soit 61 % de plus que l’an passé à la même date. L’appréciation des blés de la mer Noire a contribué à soutenir les prix français.

Bonne activité à l’exportation pour les blés français

En plus des influences américaine et russo-ukrainienne, les prix français ont réagi aussi aux achats bouclés cette semaine sur le marché mondial. L’Égypte a de nouveau acheté du blé français. Certes, il s’agit d’un bateau seulement, de 60 000 tonnes, mais cette offre était la plus compétitive et l’Égypte n’a rien acheté d’autre.

 

Le Maroc vient de contracter 576 000 tonnes de blé européen dans le cadre d’un contingent à droit préférentiel, inférieur aux 35 % qui s’applique depuis le 1er octobre. La totalité du contingent ouvert a été achetée en une seule fois. Le Maroc avait en parallèle lancé un appel d’offres pour la même quantité de blé américain mais il n’en a acheté que 30 000 tonnes, ce dernier étant beaucoup trop cher par rapport à son homologue européen.

 

La Syrie a relancé un appel d’offres de 150 000 tonnes pour du blé russe alors que la Jordanie vient d’annuler un appel d’offres pour 120 000 tonnes malgré des offres de la part de trois compagnies. Sans que cela ne concerne l’Union européenne, une vente particulière est à signaler cette semaine : il s’agit de 130 000 tonnes de blé américain (white) vendues à la Chine hier, cela constituant la plus grosse vente de à l’empire du Milieu depuis décembre 2016. Les blés français continuent donc de s’apprécier en lien avec les autres origines et cela est en ligne avec un bilan mondial qui ne s’annonce pas lourd du tout.

Des inquiétudes économiques toutefois

À surveiller, les problèmes économiques de plusieurs pays qui pourraient ralentir la consommation et les échanges mondiaux de plusieurs matières, avec quelques alertes cette semaine :

  • En Amérique du Sud par exemple où les chiffres de la croissance indiquent un net ralentissement au Paraguay ;
  • Au Liban où la banque centrale vient d’annoncer un plan pour aider les banques commerciales à financer les imports de plusieurs produits dont le blé ;
  • En Égypte où l’État étend à presque 2 millions de personnes supplémentaires la possibilité d’accéder aux produits subventionnés ;
  • En Iran enfin avec des bateaux qui restent bloqués dans les ports faisant suite aux graves problèmes de financement depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire avec ce pays.

En revanche, et c’est plutôt un facteur de stabilité, l’Union européenne garde son calme face aux nouveaux tarifs douaniers annoncés par les États-Unis pour plusieurs produits européens (vin, whisky, certains fromages). Et elle n’entend pas rétorquer de suite bien qu’elle ait déjà publié une liste de produits américains, dont le blé, qui pourraient être taxés. Cela aura peu d’impact pour le bilan européen, l’Union européenne n’important de ce pays que 0,5 million de tonnes de blé par an.

L’orge dopée par l’Arabie

L’orge s’apprécie aussi cette semaine, que ce soit en Europe ou en mer Noire. Les prix rendu Rouen gagnent 5 €/t, à 157,75 €/t en base juillet. Ils se positionnent à 180 $/t Fob, soit 6 $/t au-dessus de la semaine dernière. Les orges ukrainiennes s’apprécient de presque autant : +5 $/t, à 185 $/t Fob). Derrière cette évolution, il y a bien sûr l’influence du blé et du maïs mais surtout l’achat de 1 million de tonnes par l’Arabie Saoudite.

 

Ce pays vient de contracter 17 panamax, des bateaux de 60 000 tonnes, à un prix de 209,95 $/t à l’arrivée pour livraison entre décembre 2019 et février 2020. C’est l’entreprise Glencore qui aurait vendu l’essentiel (600 000 tonnes), mais quatre autres compagnies seraient impliquées aussi dont l’entreprise française Lecureur. Cela signifie que cet achat sera servi en orge de plusieurs origines, mer Noire et Europe à coup sûr, françaises sans doute.

 

La Turquie aussi a acheté de l’orge cette semaine, 200 000 tonnes en origine optionnelle pour chargement en novembre. Malgré ce sursaut, le bilan d’orge de la France reste lourd, avec des gros stocks attendus à la fin de la campagne si bien qu’il apparaît peu probable que cette hausse des prix se poursuive longtemps à moins de fortes montées en maïs, si l’USDA revoit la production américaine à la baisse, et en blé.

 

En tout cas, la différence de prix étant très faible entre les variétés fourragères et brassicoles. Cette appréciation fourragère s’est reportée, modérément, sur les prix brassicoles qui ont gagné 3 €/t, à 157 €/t Fob Creil, pour les orges d’hiver et 1 €/t, à 158 €/t, pour les orges de printemps.

Hausse des maïs à cause des stocks américains

Contrairement à la semaine dernière, les cours du maïs viennent d’évoluer en hausse en France et sur le marché mondial. La publication, lundi dernier, des chiffres de stocks américains au 1er septembre a constitué un mini-électrochoc, ces stocks s’affichant à 53,6 millions de tonnes au lieu des 62,1 millions de tonnes prévues le mois dernier.

 

Cela réduit les réserves disponibles pour le début de la campagne de 2019-2020 et renforce l’intérêt porté par les opérateurs sur les rendements à venir dans ce pays. Si ces derniers sont révisés à la baisse la semaine prochaine, la situation américaine sera en nette voie d’assainissement et cela pourrait continuer de pousser les prix vers le haut, momentanément toutefois étant donné les grosses récoltes engrangées ou prévues ailleurs.

 

Les semis ont débuté en septembre en Argentine mais sont retardés par la sécheresse. Les surfaces semées dans ce pays pourraient par ailleurs souffrir de la forte compétition du soja, à coût de production plus faible, dans un contexte où le peso très faible réduit la marge de manœuvre des producteurs.

 

Au Brésil, ce sont les semis de soja qui sont en cours mais ils sont retardés par le manque d’humidité, ce qui laisse craindre un retard ensuite pour les semis de la seconde récolte de maïs. Néanmoins, la production est attendue de nouveau élevée dans ce pays, à plus de 100 millions de tonnes.

 

Les maïs américains bénéficient aussi du soutien des discussions concernant l’éthanol avec une finalisation probable très rapidement, semble-t-il, du nouveau plan visant à augmenter la quantité de biocarburants (donc d’éthanol à base de maïs) que les raffineries sont obligées de mélanger chaque année à l’essence, pour compenser les exemptions partielles accordées aux petites raffineries et qui suscitent la colère des farmers américains.

 

Dans ce contexte les prix américains ont gagné 5 $/t, à 168 $/t Fob Gulf, poussant les prix ukrainiens vers le haut de 3 $/t (164 $/t) et les prix français de 2 €/t à 167 €/t Fob Bordeaux (183 $/t). Les maïs français restent beaucoup plus chers que les maïs des pays tiers.

Le colza français ne suit pas la hausse, pour l’instant

Les prix du colza sont restés stables cette semaine sur le marché physique en France, à 387 €/t rendu Rouen et 390 €/t Fob Moselle. Ils ont baissé de 2 €/t sur Euronext, à 385,5 €/t. Cette évolution s’est produite malgré la progression des cours du canola au Canada et du soja aux États-Unis.

 

En effet, le complexe oléagineux a été marqué cette semaine par la révision en baisse des stocks et de la récolte de soja aux États-Unis pour la campagne de 2018-2019 et cela a poussé la plupart des prix en hausse.

 

La récolte de canola reste très en retard au Canada où le temps relativement frais et pluvieux n’est pas favorable à la maturité des graines. Cela peut aussi affecter la qualité des canolas. Ainsi la production canadienne est maintenant attendue à 19,1 millions de tonnes, en recul de 1,2 million de tonnes par rapport à la campagne précédente. La récolte australienne, quant à elle, ne va même pas atteindre le faible niveau de l’an dernier.

 

Malgré cet environnement haussier, les prix français sont restés assez indifférents aux évolutions mondiales. L’ampleur des importations en cours en provenance de l’Ukraine et la compétitivité potentielle dans l’Union européenne des canolas canadiens atténuent actuellement la forte chute de la production européenne qui a perdu 3 millions de tonnes par rapport à l’an dernier, à moins de 17 millions de tonnes.

 

Par ailleurs, la substitution de l’huile de colza par d’autres huiles et matières premières a déjà commencé. C’est le résultat d’un écart de prix très important entre cette huile et ses concurrentes, notamment pour la production de biodiesel, ou dans l’industrie agroalimentaire. Malgré ce rationnement partiel de la demande en huile de colza, les stocks européens en graines sont quand même prévus en fort recul, les disponibilités mondiales n’étant pas suffisantes pour couvrir le besoin d’importation de l’Union européenne. Et cela devrait venir pousser les prix vers le haut.

Tournesol en hausse

Le prix du tournesol à Saint-Nazaire progresse de 8 €/t en nouvelle récolte dans le sillage de l’huile dont les disponibilités sont impactées par une faible trituration ces dernières semaines. En France, la récolte arrive à son terme avec des rendements supérieurs aux attentes en Auvergne et Rhône-Alpes. Elle est estimée à 1,34 Mt contre 1,25 Mt en 2018.

 

En mer Noire, les rendements sont aussi supérieurs aux attentes en Ukraine, où la récolte est avancée à 80 %, avec une production estimée à 14,3 Mt (15,2 Mt en 2018). La récolte s’annonce aussi très bonne en Russie. Elle devrait atteindre un nouveau record grâce à un plus haut historique sur les surfaces comme sur les rendements (13,9 Mt contre 12,8 Mt en 2018). Inversement, les retours font état de rendements bulgares, roumains et hongrois qui pourraient surprendre négativement.

La hausse du soja ralentie par un contexte toujours lourd

L’annonce par l’USDA en début de semaine de stocks de soja aux États-Unis bien inférieurs aux attentes du marché, ainsi qu’une diminution conséquente de la production de soja des Américains en 2018 ont propulsé le contrat novembre à Chicago à un niveau non atteint depuis juillet : +12 $/t, à 338 $/t.

 

Ce mouvement de hausse, qui a été galvanisé par une salve d’achats de soja américain par la Chine, a néanmoins été par la suite modéré par le contexte mondial restant globalement lourd. Le prix est ainsi retombé à 335 $/t au 3 octobre. Le marché a par ailleurs été rassuré par des prévisions météorologiques plutôt clémentes aux États-Unis, où les craintes de chute de températures sont prégnantes en cette fin tardive de cycle.

 

Bien que révisées en baisse, les disponibilités en soja restent particulièrement élevées aux États-Unis en raison d’exportations toujours limitées vers la Chine. Les semis en Amérique du Sud, bien que menacés par des conditions trop sèches, restent attendus à des niveaux élevés. Cela devrait assurer d’amples disponibilités sur la deuxième partie de campagne alors que la demande en tourteau reste sous le joug de la propagation de la peste porcine africaine.

 

L’épizootie est maintenant présente dans la grande majorité des principaux producteurs de porcs d’Asie, à l’exception de la Thaïlande. Cette épizootie pourrait bien peser plus encore sur la demande mondiale en tourteau dans les mois qui viennent si l’on se réfère aux dégâts engendrés en Chine (population porcine en recul d’environ 50 % depuis janvier 2019) et au Vietnam (baisse de 19 % entre septembre 2019 et septembre 2018).

 

En attendant, la cotation du tourteau de soja à Chicago progresse dans le sillage de la fève sur la semaine (+8 $/t). La hausse est bien moins marquée à Montoir (+2 €/t), ou le tourteau reste sous l’influence de cotations sud-américaines qui subissent la pression du soja sud-américain, qui recule à la suite des récents achats de soja américain par la Chine.

 

En pois, la cotation départ Marne progresse de 2 €/t sur la semaine.

À suivre : estimation de la récolte de maïs et soja américain par l’USDA la semaine prochaine, taille effective des récoltes de blé en Australie et Argentine, conditions climatiques en Amérique du Sud, négociations commerciales entre Washington et Pékin, propagation de la peste porcine africaine.