La baisse des prix a continué cette semaine pour les céréales à paille, toujours sous l’influence de la Russie et des bonnes perspectives mondiales de production de blé en 2021. Le colza fait le yo-yo mais s’affaisse globalement avec l’arrivée des récoltes de soja sud-américaines sur le marché.
L’influence russe sur les prix du blé continue
Les prix de la mer Noire ont poursuivi leur baisse cette semaine à 252 $/t (–8,5 $/t) pour les blés russes à 12,5 % de protéines. Les blés ukrainiens ont suivi (–7 $/t). Les prix russes continuent donc de dégringoler : les exportateurs ont en effet fortement ralenti leurs achats à cause de la taxe à l’exportation qui affecte massivement la compétitivité russe.
Ils tentent de faire fléchir le gouvernement russe en demandant que le système de taxe variable prévu pour le 2 juin s’applique tout de suite, à la place de la taxe fixe des 50 €/t en cours jusqu’au 2 juin. Mais leurs chances de succès semblent faibles. Les exportations de blé russe en mars sont ainsi descendues à un niveau proche de 1 million de tonnes, le plus bas niveau pour un mois de mars depuis 2013.
Cela devrait favoriser les exportations des autres origines mais c’est plutôt la baisse des prix russes qui l’emporte en tant que conséquence sur les prix des autres origines. Le blé français perd ainsi 6 $/t sur le marché mondial cette semaine (Fob Rouen), soit – 6 €/t, à 203 €/t, base juillet rendu Rouen sur l’échéance d’avril-juin.
Contraction de l’écart entre l’ancienne et de la nouvelle récolte
Le maintien de bonnes conditions de culture contribue aussi à la baisse des cours, même si la forte chute des températures en France inquiète un peu pour la semaine prochaine.
Cette semaine, le ministère de l’Agriculture des États-Unis (USDA) a publié une surface de blé tendre plus élevée qu’attendu (remontée en blé d’hiver faisant plus que compenser la révision en baisse des surfaces de printemps).
Excepté la situation sèche dans le nord des États-Unis et au Canada, qui n’est pas très favorable aux semis de printemps en Amérique du Nord, les perspectives de la production mondiale de blé en 2021 restent plutôt au vert et cela pèse aussi sur les prix.
Avec la baisse des prix de l’ancienne récolte, l’écart entre les valeurs de l’ancienne campagne et celles de la nouvelle continue de se contracter. Il est désormais de 20 €/t en prix complet Fob Rouen. Étant donné les faibles stocks attendus dans l’Union européenne en fin de campagne, il est probable que les prix de la récolte de 2020 se stabilisent prochainement.
Les achats et appels d’offres en cours pourraient venir contribuer à cette stabilisation. L’Algérie vient d’acheter entre 500 000 et 580 000 tonnes et les blés européens, dont français, devraient en servir une bonne partie. L’Égypte, de son côté, vient de lancer un appel d’offres qui se clôturera le 6 avril ; l’Arabie Saoudite est aussi aux achats pour 295 000 tonnes de blé.
Les orges suivent le blé
Les orges françaises continuent de suivre le blé et s’affaissent aussi, perdant 8 €/t rendu Rouen pour l’ancienne récolte, à 185 €/t en base juillet. Comme pour le blé, les prix de l’orge sont comprimés par la chute des prix de la mer Noire avec la taxation des orges russes et l’effondrement des prix ukrainiens (–17 $/t cette semaine).
Le soutien exercé par la demande chinoise sur les orges françaises et ukrainiennes s’estompe actuellement, les regards se portant plutôt sur la nouvelle campagne pour laquelle, au contraire, les prix augmentent légèrement (+3 €/t rendu Rouen, à 198,25 €/t base juillet).
La Jordanie vient d’acheter 60 000 tonnes cette semaine pour chargement sur octobre-novembre. En Arabie Saoudite, le gouvernement est en train de réfléchir à de profonds changements de son système animal : il souhaiterait accroître la productivité de son secteur animal et réduire une partie du cheptel actuel pour le remplacer par des souches d’importation et aussi par des importations de viande. L’échéance de cette réforme n’est pas connue, mais cela n’est pas de bon augure pour la demande mondiale d’orge.
Sur le segment brassicole, les prix restent stables pour les orges d’hiver (à 218 et 204 €/t Fob Creil base juillet pour les récoltes de 2020 et de 2021) mais perdent 2 €/t pour la récolte de printemps (à 222 et 208 €/t).
Le maïs à contre-courant
Les prix du maïs français augmentent cette semaine contrairement à ceux des céréales à paille. Ils gagnent 1 €/t Fob Rhin (à 225 €/t) mais augmentent plus nettement sur la façade atlantique (+5 €/t, à 221 €/t Fob, base juillet). Ils sont tirés par la demande intra-européenne qui demeure soutenue à cause du manque de disponibilités dans le sud-est de l’Union européenne.
Ils suivent aussi la tendance mondiale cette semaine et la petite hausse des prix US. Ces derniers gagnent en effet 3 $/t sous l’effet d’une estimation des surfaces de maïs US moins forte que cela n’était anticipé. L’USDA a publié mercredi 31 mars 2021 une prévision de 36,9 millions d’hectares semés au lieu des 37,7 millions attendus.
Comme pour le soja toutefois, cette surprise a fait grimper les prix en milieu de semaine mais le souffle est retombé rapidement ensuite car la surface est loin d’être stabilisée d’une part, et elle reste aussi élevée que celle de 2020.
Le colza en baisse pour l’ancienne récolte
Les cours du colza font le yo-yo, tant sur le marché physique que sur le Matif. Ils se maintiennent à plus de 490 €/t mais ils accusaient hier, le 1er avril, un retrait de plus de 20 €/t à Rouen (à 491 €/t) et Fob Moselle (498 €/t) et un retrait de 12 €/t pour l’échéance de mai du Matif à 494 €/t par rapport à la fin de la semaine dernière.
C’est l’arrivée de la récolte du soja en Amérique du Sud qui vient détendre la situation et a vite gommé l’accès de fièvre de mercredi sur le complexe oléagineux quand l’USDA a publié une surface plus faible que prévu pour les semis de soja aux États-Unis.
La détente passagère en soja vient peser sur les prix du colza et l’affaissement des cotations des huiles végétales cette semaine en fait autant. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le bilan du colza européen est extrêmement tendu et qu’il le restera pour la prochaine campagne.
L’accès de faiblesse observé cette semaine ne pourrait donc être que momentané. Les cours de la nouvelle récolte sur le Matif ont d’ailleurs légèrement grimpé, contrairement à ceux de l’ancienne, à 445,25 €/t (échéance d’août 2021, +3 €/t par rapport à la semaine dernière). Le refroidissement annoncé sur l’Hexagone et la variation thermique importante pour la semaine qui arrive par rapport à celle qui se termine suscite aussi quelques inquiétudes.
La graine de soja fait une pause
Les prix de la fève de soja se sont finalement affaissés cette semaine, (–5 $/t) à 515 $/t à Chicago sur le rapproché. Ils ont connu une envolée en milieu de semaine à cause de la publication de l’USDA sur les intentions de semis aux États-Unis. En effet, l’USDA a estimé les intentions de semis US de soja à 35,45 millions d’hectares alors que la moyenne des estimations privées qui avaient précédé cette publication se situait à 36,4 millions d’hectares (33,6 en 2020).
Même plus basse que prévu, cette estimation affiche déjà une bonne progression. D’autre part, l’arrivée des récoltes en Amérique du Sud commence à détendre la situation : les cours sont vite redescendus jeudi pour refléter cette situation.
L’approvisionnement du marché s’améliore sur le court terme en Amérique du Sud avec l’engrangement de la nouvelle récolte, surtout au Brésil. En Argentine, bien que les perspectives de récoltes apparaissent moins bonnes que le mois dernier du fait des dégâts de la sécheresse, les stocks de fèves accumulés lors de la campagne antérieure sont pléthoriques.
Toutefois, avec une forte demande mondiale, la pression de récolte sud-américaine ne devrait pas se faire sentir longtemps sur les prix du soja.
Les prix des tourteaux remontent
Contrairement aux graines, les tourteaux se sont appréciés de 5 $/t à Chicago, à 451 $/t, et de 17 €/t à Montoir, à 435 €/t. Avec les baisses de prix qui avaient précédé les semaines précédentes, les tourteaux de soja ont regagné en attractivité face à leurs concurrents pour les derniers mois de la campagne de 2020-2021. Ce regain d’intérêt, combiné à la surprise haussière de l’USDA cette semaine, a ainsi poussé les tourteaux vers le haut.
Stabilité en tournesol
En Russie, une taxe de 30 % sur les exportations de tournesol s’appliquait déjà jusqu’en juin 2021 afin d’assurer l’approvisionnement des triturateurs locaux. Cette semaine, le gouvernement russe vient de décider de maintenir le principe de la taxation et de relever la taxe à 50 $/t à partir de juillet 2021 et jusqu’au début de septembre 2022. Ce qui devrait fortement impacter la compétitivité de cette origine et limitera les exportations russes en nouvelle campagne. La Russie a également décidé de taxer ses exportations d’huile de tournesol.
Cette politique demeure un facteur de soutien du prix des graines de tournesol sur le marché mondial et vient exacerber la propre tension du bilan européen. Les prix se maintiennent à Saint-Nazaire, à 560 €/t.
À suivre : évolution du prix des céréales russes, semis de maïs et de soja aux USA, conditions climatiques pour les cultures en Europe et les semis de printemps en Amérique du Nord, récoltes de soja et maïs en Amérique latine, évolution des mesures de restriction de déplacement suite au Covid (biodiesel), prix du pétrole.