La baisse des prix se poursuit pour les céréales à paille, qui entraînent aussi le maïs. L’effondrement des prix russes et les bonnes perspectives de production mondiale en blé pour 2021 expliquent ce mouvement. La situation demeure au contraire très tendue en colza.
La dégringolade des prix russes se poursuit
-15 $/t
La chute des prix du blé russe
Après avoir lâché 12 $ la tonne la semaine dernière, les blés meuniers russes chutent encore plus fortement cette semaine, abandonnant 15 $/t, à 260 $/t Fob Novorossiysk. Les prix russes s’effondrent, après l’accès de fièvre des mois derniers, à cause d’un ralentissement de la demande : les troubles économiques et l’effondrement de la lire turque ces derniers jours viennent ralentir les achats de ce pays, gros client de la Russie.
De son côté, le Gasc égyptien n’est pas encore revenu aux achats depuis qu’il a boudé les blés russes lors de son dernier appel d’offres.
Les prix russes chutent également parce que les opérateurs intègrent petit à petit le fait que la récolte de ce pays ne sera pas désastreuse — à moins d’une grave sécheresse printanière. Avec les pluies récentes dans le sud du pays et la remontée des températures qui a permis la fonte des dernières couches de glace, les analystes russes ont récemment revu leur estimation de récolte en hausse pour ce pays à un peu moins de 80 millions de tonnes (85,5 en 2020).
Enfin, à partir du jeudi 1er avril 2021, les opérateurs russes devront déclarer leurs ventes aux autorités pour la nouvelle récolte dans le cadre des mesures visant au calcul de la taxe qui sera appliquée dès le 2 juin 2021. Les incertitudes sur ces nouvelles mesures pèsent aussi sur les prix de la nouvelle récolte, qui se situent aux alentours de 235 $/t Fob.
L’ensemble des blés mondiaux suivent
Les blés russes ne sont pas les seuls à lâcher prise. Les prix américains et argentins s’affaissent aussi, mais de manière moins marquée (respectivement –9 et –5 $/t). Le renforcement du dollar y est pour quelque chose, forçant les prix des matières exprimés en dollar à diminuer pour compenser la hausse du dollar. Mais ce sont surtout les bonnes perspectives pour la production mondiale de blé qui captent maintenant l’attention des opérateurs, et poussent les prix de l’ancienne campagne vers le bas, pour les rapprocher des valeurs de la nouvelle.
La récolte mondiale de blé en 2021 s’annonce record pour l’instant, malgré une performance russe prévue inférieure à celle de l’an dernier. Nous l’estimons en hausse de 24 millions de tonnes (+3 %). Le Conseil international des grains, avec son estimation publiée hier, prévoit, quant à lui, une remontée non négligeable de 16 millions de tonnes.
Les pluies nécessaires arrivées la semaine dernière sur les plaines de culture du blé d’hiver aux États-Unis, et un approvisionnement hydrique correct en Russie, sont venues renforcer la probabilité que cette augmentation de production se matérialise.
L’Europe est la région du monde qui devrait contribuer le plus nettement à la croissance de la production mondiale de blé. La France, à elle seule, pourrait expliquer 30 % de cette croissance. L’état des cultures reste d’ailleurs bon dans l’Hexagone, où 87 % des blés étaient classés le 22 mars dernier en conditions bonnes à excellentes par FranceAgriMer, contre 63 % l’an dernier à la même date.
La Commission européenne a publié cette semaine une prévision de récolte de blé tendre à 126,7 millions de tonnes pour l’Union européenne à 27, contre 117,1 l’an passé.
Dans ce contexte, les prix européens descendent eux aussi pour suivre les blés russes : les blés français perdent 14 $/t pour l’ancienne récolte, au même prix que les blés russes (260 $/t Fob Rouen), soit –9,5 €/t pour le prix rendu Rouen, à 208,75 €/t en base juillet. L’échéance de mai du Matif à 214 €/t en milieu d’après-midi a perdu 6 €/t par rapport à la clôture du 19 mars 2021.
Les orges suivent le blé
La chute est brutale aussi pour l’orge fourragère dont le prix descend de 8,5 €/t à Rouen cette semaine, à 192,75 €/t en base juillet (récolte de 2020). Comme pour le blé, la dégringolade des prix russes (–10 $/t, à 255 $/t Fob) pousse aussi les prix des orges françaises vers le bas (–12 $/t, à 240 $/t Fob Rouen).
L’accent passe de plus en plus vers la nouvelle récolte et la prime des orges de l’ancienne campagne par rapport à celles de la nouvelle se rétrécie : de 16 €/t à la fin de février (en prix complet), cette prime s’est réduite comme peau de chagrin à environ 4 €/t maintenant. Comme pour le blé, les perspectives de remontée de la récolte française pèsent sur les prix.
Les orges brassicoles n’échappent pas à la tendance. Stables en ancienne campagne dans un marché atone, ils chutent en nouvelle de 2 €/t pour les orges d’hiver (à 204 €/t Fob Creil, base juillet) et de 3 €/t pour les orges de printemps (à 210 €/t). Les semis de printemps sont terminés, selon Céré’Obs de FranceAgriMer, ce qui contribue à l’affaissement. Mais c’est surtout la chute des valeurs fourragères qui entraînent les prix brassicoles, alors que la situation brassicole s’annonce déjà très tendue pour la prochaine campagne.
Le maïs beaucoup plus réservé
Le maïs français s’affaisse également, mais beaucoup plus modérément que le blé ou l’orge. Fob Rhin, il perd 2 €/t, à 224 €/t (base juillet), et Fob façade atlantique, il chute de 4 €/t (à 216 €/t). Le maïs est poussé par les céréales à paille mais il reste soutenu par le contexte mondial encore très tendu où les prix US sont quasi stables depuis la semaine dernière et les prix ukrainiens ne perdent que 5 $/t, à 258,5 $/t Fob.
Départ mer Noire, le blé vaut le même prix, voire moins cher maintenant que le maïs, ce qui pourrait faire baisser le prix du maïs dans les semaines qui viennent. Le 31 mars 2021, le ministère de l’Agriculture des États-Unis, USDA, publiera les résultats de sa première enquête sur les semis. La moyenne des chiffres attendus par les opérateurs se situe à 93,2 millions d’acres (37,7 millions d’hectares), soit une hausse de plus de 2 % par rapport aux semis de l’an dernier, et une hausse par rapport à la première prévision présentée par l’organisme américain en février.
Si cette surface est confirmée par l’USDA, elle pourrait également peser sur les prix du maïs dans les jours à venir, confirmant la perspective d’une nette remontée de la récolte US à l’automne.
Le cours du colza rebondit
La demande en huile de colza reste forte, bénéficiant de la demande du secteur du biodiesel, et des pays tiers. Confrontés à des prix extrêmement élevés en huile de tournesol, les acheteurs se tournent vers l’huile de colza, disponible et moins chère.
À Rotterdam, l’huile de colza a ainsi gagné 12 $/t cette semaine (à 1 275 $/t). La Chine est cette année un des principaux acheteurs d’huile de colza européenne, une situation inhabituelle due à un déficit local en huile de soja et de tournesol.
Par ailleurs, les prix du canola canadien ont rebondi cette semaine (+17 $/t, à 621 $/t), soutenus par l’amenuisement des disponibilités locales. Il ne reste actuellement plus beaucoup de volumes disponibles à la vente dans les prairies canadiennes. Les stocks sont tellement bas que le Canada pourrait importer quelques bateaux depuis la mer Noire ou l’Europe sur juillet-septembre, avant les moissons canadiennes à l’automne 2021.
Les stocks sont aussi très faibles dans l’Union européenne et en France. La demande en colza reste portée par des marges de trituration élevées, mais la production de 2020 a déjà été presque totalement commercialisée. Ainsi, le colza rendu Rouen a vu son prix monter de 7 €/t entre les 18 et 25 mars, à 514 €/t, et le colza Fob Moselle de 10 €/t, à 522 €/t.
Cela a aussi entraîné à la hausse les prix de la nouvelle campagne, qui gagnent 6,5 €/t sur Euronext à 441,75 €/t (échéance d’août 2021). Les conditions de développement sont actuellement plutôt bonnes pour les colzas dans l’Union européenne. La reprise de végétation a récemment fait ressortir que les pertes de surfaces liées aux gels hivernaux ont été limitées à l’échelle européenne. La floraison devrait débuter dans les prochaines semaines dans la plupart des régions productrices.
Rebond des prix du soja
Les prix de la fève de soja ont un peu rebondi cette semaine sous l’effet de l’assèchement précoce des disponibilités exportables US et des problèmes logistiques au Brésil freinant la dynamique des exportations.
Les sojas à Chicago se sont ainsi appréciés de plus de 4 $/t depuis la semaine dernière, à 520 $/t. À ce stade, la quasi-totalité des disponibilités exportables US sont engagées à la vente, selon l’USDA, ce qui pousse les importateurs à se tourner davantage vers la marchandise brésilienne qui tarde pourtant à arriver sur le marché compte tenu du retard de récolte accumulé : 59 % des surfaces seulement auraient été moissonnées contre 72 % l’an passé à date égale.
La récente accélération de la récolte, combinée à des volumes records, a par ailleurs généré des congestions logistiques importantes au Brésil, ce qui a fait gonfler les coûts de transport.
Les prix du soja ont également bénéficié de la hausse de l’huile et des tourteaux dont la demande a récemment connu un net regain. Le déficit hydrique persistant en Argentine a aussi apporté du soutien additionnel au rebond des prix en toile de fond. La Bourse de Buenos Aires table toujours sur une moisson 44 Mt en 2021 mais une étude complémentaire a suggéré que la production pourrait tomber à seulement 42 Mt si les conditions sèches se maintenaient.
Hausse des cours des tourteaux aux USA, baisse en France
Dans le sillage des graines de soja, les tourteaux de soja voient leur prix augmenter à Chicago cette semaine : ils progressent de 7 $/t, à 446 $/t, sur le rapproché.
En revanche, les tourteaux ont perdu 6 €/t, à 418 €/t, à Montoir compte tenu d’une trituration de soja très élevée dans l’Union européenne (UE). Selon les dernières statistiques du Fediol, la trituration UE sur janvier-février est en hausse de 6 % par rapport à la période équivalente en 2019-2020. Le recul du cours des tourteaux argentins a également pesé sur les prix UE.
Lesté par la baisse des prix du tourteau de soja, le pois a perdu 3 €/t cette semaine (à 271 €/t départ Marne).
Stabilité en tournesol
Les prix du tournesol français à Saint-Nazaire se sont stabilisés à 560 €/t depuis la semaine dernière pour les qualités standard et oléique suivant la quasi-stabilité du cours de l’huile à Rotterdam. L’activité est très ralentie, les offres étant très limitées et les acheteurs peu enclins à accepter les prix actuels, très élevés.
Le prix Fob mer Noire recule légèrement de 5 $/t cette semaine, à 740 $/t. Les niveaux des prix mondiaux restent historiquement élevés en raison des récoltes décevantes chez les principaux producteurs de la planète. Par ailleurs, la Roumanie, qui a vu sa récolte chuter de près de 1 Mt en 2020-2021, a eu recours pour la première fois aux importations de tournesol argentin.
Rappelons que la Russie a mis en place une taxe de 30 % sur les exportations de tournesol valable jusqu’en juin 2021 afin d’assurer l’approvisionnement des triturateurs locaux. Le gouvernement russe étudie actuellement une prolongation, voire une hausse à 50 % de cette taxe sur la nouvelle campagne.
À suivre : évolution du prix des céréales russes, conditions en Europe et dans la zone de la mer Noire pour les céréales d’hiver, les colzas (floraison), les semis de printemps, semis de maïs aux USA, récoltes de soja et maïs en Amérique latine, évolution des mesures de restriction de déplacement faisant suite au Covid (biodiesel), prix du pétrole.