Deuxième producteur de blé au monde, l’Inde a décidé d’interdire les exportations de cette céréale, sauf autorisation spéciale du gouvernement. Pourquoi ? Pour assurer la « sécurité alimentaire » de son 1,4 milliard d’habitants.

 

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La canicule de mars dernier, la plus chaude jamais enregistrée en Inde, s’est traduite par des températures parfois supérieures à 45 degrés Celsius. Elle a affecté les régions productrices de blé, dans le nord du pays. Selon les estimations, la production de cette année devrait diminuer d’au moins 5 % par rapport aux 109 millions de tonnes récoltées en 2021.

Des prix en hausse de 20 à 40 %

Selon le secrétaire indien au commerce, BVR Subrahmanyam, certaines régions d’Inde ont vu les prix du blé et de la farine augmenter de 20 à 40 % ces dernières semaines. « Il s’agit d’une mesure de correction du marché », a-t-il déclaré le dimanche 15 mai 2022. Et d’ajouter que « la flambée des prix intérieurs n’est pas compensée » par l’offre et la hausse des prix était une « réaction de panique ».

 

« Nous ne voulons pas que le blé aille d’une manière non réglementée où il risque d’être thésaurisé et ne pas être utilisé aux fins que nous souhaitons qu’il serve — à savoir, les besoins alimentaires des pays et populations vulnérables », a justifié BVR Subrahmanyam.

 

Cette « interdiction » est également destinée à assurer la sécurité alimentaire nationale du pays de 1,4 milliard d’habitants. Il s’agit pour New Delhi de garantir l’approvisionnement de ses vastes programmes sociaux, notamment la distribution mensuelle d’aliments de base gratuits et subventionnés à des millions de familles pauvres.

Des contrats approuvés au cas par cas

Les contrats d’exportation conclus avant le décret pourront être honorés, la mesure ne concernant que les exportations futures. Pour ces dernières, l’Inde approuvera au cas par cas les demandes d’autres pays « afin de répondre à leurs besoins ».

 

Réunis à Stuttgart, en Allemagne, les ministres de l’Agriculture du G7 ont aussitôt critiqué cette décision, qui intervient alors que le marché mondial du blé est déjà sous forte tension du fait du conflit ukrainien.

 

Lancée le 24 février, l’offensive militaire russe en Ukraine perturbe gravement l’activité agricole dans les campagnes de ce pays. L’Ukraine était jusque-là le quatrième exportateur mondial de maïs et en passe de devenir le troisième exportateur de blé.

 

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Des risques de tensions

En raison du blocus des ports ukrainiens, des tonnes de céréales attendent dans les silos et la récolte de cette année est menacée. La hausse des prix et les pénuries font planer un risque de famine et de troubles sociaux en particulier dans les pays les plus pauvres qui importent massivement leurs besoins en céréales.

 

Ce contexte fait en outre craindre des mesures protectionnistes de la part des pays exportateurs. À la fin d’avril, l’Indonésie, premier producteur d’huile de palme au monde, en a interdit les exportations afin de contenir la flambée des prix sur le marché intérieur et les pénuries.

 

Jusqu’à ce samedi, l’Inde avait exprimé sa disposition à venir en aide aux marchés mondiaux en cas de problèmes d’approvisionnements. « Nos agriculteurs se sont assurés de prendre soin non seulement de l’Inde, mais de l’ensemble du monde », avait dit le mois dernier le ministre du Commerce et de l’Industrie, Piyush Goyal.

 

Jeudi, New Delhi a aussi annoncé que des délégations allaient se rendre dans plusieurs pays de l’Afrique du Nord, en Turquie, au Vietnam, en Thaïlande ou encore au Liban pour « étudier les pistes de renforcement des exportations de blé depuis l’Inde ». Il n’était pas clair samedi si ces déplacements étaient maintenus.

Les ministres du G7 mettent en garde

Samedi, le 14 mai 2022, les ministres de l’Agriculture du G7 ont, quant à eux, « recommandé » d’évoquer la décision indienne lors de la réunion des chefs d’État et de gouvernement du G7 en juin. L’Inde sera présente en tant qu’invitée.

 

« Si tout le monde commence à imposer de telles restrictions ou même à fermer les marchés, cela ne fera qu’aggraver la crise et cela nuira aussi à l’Inde et à ses agriculteurs », a déclaré le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, après une réunion avec ses homologues.

 

« Nous nous sommes prononcés contre des restrictions d’exportation et appelons à maintenir les marchés ouverts […]. Nous appelons l’Inde à prendre ses responsabilités en tant que membre du G20 », a-t-il ajouté.