Un drôle de bâtiment attire l’œil à l’arrivée sur le site des taurillons du Gaec Les Hautes Marettes, à Noyal-sur-Vilaine, en Ille-et-Vilaine. Il ne ressemble en rien à une unité de méthanisation « classique ». Il s’agit en fait de quatre garages adjacents qui constituent une unité de méthanisation en voie solide discontinue.
« Au vu de nos intrants, c’était la seule possibilité pour envisager la méthanisation, explique Antoine. Nous élevons des vaches et des chèvres laitières, ainsi que des taurillons. Tous ces animaux sont sur paille, nous avons donc des effluents solides, avec lesquels il ne serait pas envisageable de méthaniser en voie liquide continue. » Le biogaz est ici valorisé avec un moteur de cogénération d’une puissance de 160 kWe.
350 t de fumier par garage
L’exploitation compte 311 ha de SAU pour un triple élevage : laits de vache et de chèvre s’ajoutent à la production de viande. L’ensemble des animaux est sur aires paillées. « Avec 950 chèvres, 200 vaches laitières et 70 taurillons présents en permanence sur les différents sites, nous avons une production considérable de fumier pailleux. » En effet, l’unité engloutit plus de 1 000 tonnes de fumier par mois. La ration est constituée à plus de 90 % de fumier, elle est complétée par un ensilage de cive (cultures intermédiaires à vocations énergétiques). Le mélange est effectué une semaine avant la mise en garage. « Je le fais simplement au godet, explique Antoine. Je répartis les différents fumiers et l’ensilage sur un andain. Certains utilisent un épandeur, pour mieux hacher et mélanger la matière, mais nos intrants n’en ont pas besoin pour monter en température. Nous économisons ainsi de l’argent et du temps. »
Moins d’astreinte
L’un des avantages de la voie solide selon l’éleveur, c’est le temps de travail. « Ici, les astreintes pour la méthanisation ne sont pas quotidiennes, explique Antoine. Cela tombe tous les dix à onze jours, à chaque fois que l’un des quatre garages est rempli. » Entre l’ouverture de la porte pour la vidange de fin de cycle et la fin du remplissage du compartiment, il faut compter six heures de travail pour deux personnes. Une est au volant de la chargeuse et l’autre du chariot télescopique. Elles commencent par vider le garage. Il en ressort entre 350 et 380 tonnes de matière. « Le ratio est pratiquement d’un pour un entre la quantité d’intrants et celle de digestat. » Les caniveaux de récupération des percolats (nom donné aux jus) sont ensuite nettoyés. Il ne reste plus qu’à reremplir avec l’andain réalisé sept jours plus tôt.
La préparation de ce dernier se fait en trois heures par une personne seule. Le cycle de méthanisation en voie solide peut varier de 35 à 60 jours selon les unités. Ici, il se fait sur une durée de six semaines. L’épandage des digestats est également moins contraignant d’après l’éleveur. Ils sont stockés en bout de champs avant d’être répartis avec l’épandeur à fumier. Le produit obtenu est semblable à un compost ou un fumier mûr riche en matière organique, mais avec une meilleure valeur azotée. « Nous n’achetons plus du tout d’engrais solide, souligne l’agriculteur. C’est environ 20 000 € d’économie chaque année. »
Peu d’entretien
Le système en garages requiert moins de matériel et moins d’entretien qu’en voie liquide. Il n’y a pas d’incorporateur et une seule pompe suffit. Cette dernière anime le percolat qui circule en circuit fermé pour maintenir l’humidité nécessaire à la vie microbienne. « Il y a un arrosage toutes les heures et demie. Les dix premiers jours, c’est 1,5 m3 à chaque répétition, détaille Antoine, puis 1 m3 les dix jours suivants. Nous réduisons encore par la suite et il n’y a plus d’arrosage dans les dix derniers jours du cycle. » À part ce mécanisme, il n’y a qu’un jeu de vannes qui relient les ciels gazeux de chaque garage aux canalisations qui vont vers le moteur. Le pilotage de ces vannes est automatisé. Des capteurs détectent la hauteur de la membrane et la teneur en méthane du gaz. Lorsqu’elle atteint une valeur comprise entre 48 et 50 % et que la membrane est suffisamment tendue, le gaz est envoyé au moteur. « Tout cela requiert très peu d’entretien, et nous n’avons jamais eu de panne jusqu’à maintenant », sourit l’éleveur.
Antoine relativise ainsi l’investissement initial légèrement plus élevé que pour une méthanisation en voie liquide. L’installation a coûté 1,3 million d’euros. La chaleur est ici valorisée pour du séchage de bois bûches dans le cadre d’un accord avec une entreprise spécialisée. Il existe des installations en voie solide de tailles variables. Sur les quelques dizaines d’unités de ce genre qui existent en France, les moteurs de cogénération vont de 40 à 400 kWe. Une unité en voie solide valorise même son biogaz par injection dans le réseau.