C’est une campagne betteravière décevante qui se profile en 2024, selon la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves). Débutée en retard, de 15 jours en moyenne sur les semis du fait des conditions humides, elle a ensuite connu un manque d’ensoleillement et une forte pression des maladies du feuillage, notamment de la cercosporiose.

79 t/ha à 16°

Le 4 décembre 2024, lors de sa conférence de presse annuelle, le syndicat parlait « d’une richesse en sucre historiquement basse », et tablait sur un rendement moyen de 79 t/ha à 16°. Une estimation inférieure aux 81,1 t/ha de la moyenne quinquennale, qui témoigne d’une « tendance baissière des rendements », et masque de fortes disparités entre les régions. À noter que le ministère de l’Agriculture parlait en novembre de 82 t/ha. Cela porterait la production nationale à 32,4 millions de tonnes.

Avec un tel rendement, il faudrait selon les calculs de la CGB que la tonne soit achetée 37,5 € aux agriculteurs pour couvrir toutes leurs charges. « Cette année, on devrait être de l’ordre de 38-40 €/t. La rentabilité serait ainsi assurée mais en moyenne seulement, puisque de nombreux agriculteurs seront bien en deçà de la moyenne de 79 t/ha, souligne Franck Sander, président de l’organisation. Et à ce stade, seul un opérateur a fait une annonce de prix. »

Le 13 septembre au lancement de sa campagne, Cristal Union avait parlé de 40 €/t à 16°. Pour rappel, profitant d’un marché porteur, les betteraves récoltées en 2023 ont pu « être valorisées à des prix historiques, à plus de 50 €/t en moyenne. […] Il résultera donc en 2024 de ce rendement décevant et de la baisse des marchés, un revenu betteravier en diminution nette », résume la CGB.

Surfaces temporairement en hausse

Dans ce contexte morose, Franck Sander s’inquiète d’un probable retour à la baisse des surfaces. Celles-ci ont grimpé à 410 000 ha en 2024, progressant de 8 % sur un an grâce aux prix rémunérateurs de 2023 qui ont redonné de l’attrait à la culture. Les surfaces ont ainsi retrouvé cette année leur niveau moyen sous les quotas.

Dans d’autres pays européens, les surfaces ont davantage augmenté depuis la fin des quotas : +17 % pour l’Allemagne en 2024, +20 % pour les Pays-Bas et +45 % pour la Pologne, cite Nicolas Rialland, directeur général du syndicat. La moyenne européenne est de +10 %. « Alors que la question de l’ajustement des surfaces en Europe se pose avec le bilan européen revenu à l’équilibre, nous estimons que [la France, ayant] restructuré sa production notamment avec des fermetures d’usines, ces [éventuels] ajustements devront se faire ailleurs que chez nous », a-t-il déclaré.

Franck Sander (gauche) et Nicolas Rialland ont animé la conférence de presse annuelle de la CGB le 4 décembre 2024. (©  Raphaëlle Borget/GFA)

Ce qui amène sur la table le sujet des distorsions de concurrence vis-à-vis de nos voisins européens où, par exemple, l’acétamipride et le flupyradifurone sont autorisés, alors qu’ils sont interdits en France. La CGB voyait donc d’un bon œil la proposition de loi visant à « rendre aux agriculteurs français les mêmes moyens de production que ses concurrents européens ». Reste à connaître l’impact du renversement du gouvernement sur ses chances d’être adoptée rapidement. Et en l’absence de gouvernement en France, qui mène la lutte contre la signature de l’accord sur le Mercosur, « la Commission européenne pourrait, quant à elle, accélérer les choses pour conclure », s’inquiète Franck Sander.

Alerte rouge sur le sucre du Mercosur et de l’Ukraine

La CGB s’inquiète de cet accord qui, en l’état, permettrait l’importation de 190 000 tonnes de sucre à droit de douane nul sur le marché européen, qui en produit et en consomme environ 15 millions. « C’est l’équivalent de la production d’une usine française », souligne Nicolas Rialland. L’accord permettrait également l’importation de 8,2 millions d’hectolitres d’alcool et d’éthanol, soit l’équivalent de la production tricolore. « Ces deux concessions représentent au moins 50 000 ha de betterave et [tireraient] vers le bas les prix européens », alerte-t-il.

La CGB reste également attentive aux négociations imminentes sur les quotas de sucre ukrainien à droit de douane nul qui pourront entrer sur le marché européen à partir de juin 2025. « Les importations sont montées jusqu’à 700 000 tonnes par an au début du conflit russo-ukrainien, [avant qu’un] contingent de 260 000 tonnes par an soit négocié pour 2024-2025. [Ce qui a conduit] à une dégringolade des prix en Europe », résume Nicolas Rialland. La CGB appelle donc à revoir encore à la baisse ces volumes pour la prochaine campagne.

Concurrence avec le sucre brésilien

Le syndicat déplore également un manque de régulation du marché de la part de l’Union européenne, qui a conduit à davantage d’exportations de sucre vers les pays tiers pour le désengorger. « Économiquement, c’est moins favorable, souligne Nicolas Rialland. Et quand on vend sur le marché mondial, on est en concurrence directe avec du sucre brésilien, le prix n’est pas le même. »

« L’Union européenne aurait par exemple pu augmenter les niveaux d’incorporation d’éthanol dans le carburant pour faire augmenter la demande », complète Franck Sander.