Si la filière de la betterave obtient une dérogation pour l’emploi de néonicotinoïdes contre la jaunisse, ce ne sera que pour trois ans. Les sélectionneurs, l’ITB (1) et l’Inrae (2) mettent les bouchées doubles pour tenter de trouver une solution dans ce délai. La plus efficace serait la sélection de variétés tolérantes. En 2003, KWS a inscrit en Grande-Bretagne une telle variété, Jemina. Mais le fait de disposer d’un traitement de semences contre les pucerons a mis entre parenthèses les travaux des semenciers, qui n’ont repris qu’il y a sept ou huit ans. Deleplanque a aussi annoncé disposer d’un matériel génétique intéressant outre-Manche.

Grave ou modérée

En France, SesVanderHave et KWS ont déposé au CTPS (3) quatre variétés tolérantes à la jaunisse en 2019 et 2020, deux en première année et deux en seconde. « Mais elles ne sont pas encore assez satisfaisantes pour être cultivées », reconnaît Bruno Dequiedt, directeur de SESVanderHave France. Le problème est que, jusqu’à présent, n’étaient détectés en France que les virus responsables de la jaunisse modérée. « Cette année, c’est le BYV (Beet Yellow Virus), responsable de la jaunisse grave, qui a dominé », indique Bruno Dequiedt. « On a même identifié quatre virus issus de trois familles différentes mais qui ont un point commun  : leur vecteur est le puceron vert du pêcher », note Vincent Laudinat, directeur de l’ITB.

« Le fait d’avoir affaire à plusieurs virus complique beaucoup la sélection, souligne Bruno Desprez, DG de Florimond Desprez. Avec le programme Aker, nous disposons d’une diversité génétique très large et criblons des gènes résistants beaucoup plus vite, mais la sélection prend du temps. Les premiers résultats sont attendus d’ici à cinq ans. » Deleplanque, dans son programme Modefy lancé avec l’ITB et l’Inrae, essaie d’identifier des gènes résistants dans les betteraves sauvages, potagères ou fourragères. « Les chercheurs travaillent aussi sur la dureté, la couleur ou l’odeur des feuilles et ont constaté des différences, précise Vincent Laudinat. Une autre voie consiste à obtenir des betteraves avec plus de feuilles pour compenser le déficit de photosynthèse lié à la jaunisse, par un apport d’azote plus élevé. Les premiers résultats sont intéressants. »

Plantes répulsives et attractives

Des essais de plantes répul­sives pour les pucerons associés à la betterave, comme l’œillet d’Inde, sont mis en place. Il en est de même de plantes attractives, semées à l’extérieur des parcelles. La piste des auxiliaires est regardée de près. « Ils arrivent malheureusement toujours en décalage après les pucerons, indique le directeur de l’ITB. Nous avons examiné l’impact des paysages, haies, bosquets, parcelles plus ou moins grandes… Là encore, sans avoir noté de différences. Nous cherchons aussi à savoir où les pucerons séjournent pendant l’hiver, pour les contrôler à ce moment-là. »

Blandine Cailliez

(1) Institut technique de la betterave.

(2) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

(3) Comité technique permanent de la sélection.