L’histoire
Lise avait donné à bail à long terme à Luc et son épouse des parcelles de terre en nature de labour. Avec la crise économique, Luc avait rencontré des difficultés financières et accumulé des retards dans le paiement des fermages. Aussi, Lise avait-elle adressé à Luc et à son épouse une mise en demeure d’avoir à régler les fermages des années 2019 et 2020.
Le contentieux
La mise en demeure étant restée sans effet au bout d’un délai de trois mois, Lise avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en paiement des fermages arriérés et en résiliation du bail. Sa requête paraissait solide, fondée sur l’article L. 411-31 du code rural. Ce texte dispose que le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance.
Et la jurisprudence admet que lorsque deux incidents de paiement se rapportent à des termes différents, une seule mise en demeure suffit. Pour Lise, la cause était entendue. En l’absence de paiement par Luc dans le délai de rigueur, la résiliation du bail était encourue.
« Les retards avaient trouvé leur origine dans la conjoncture économique »
Mais Luc s’était défendu. Il ne pouvait envisager la perte de son outil de travail. En effet, l’article L. 411-31 du code rural précise que les défauts de paiement de fermage ne peuvent être invoqués en cas de raisons sérieuses et légitimes. Or Luc avait expliqué aux juges que les retards de paiement avaient trouvé leur origine dans la conjoncture économique extrêmement difficile qu’il avait rencontrée, qui avait d’ailleurs donné lieu à une ordonnance de conciliation dans le cadre d’un règlement amiable ouvert par le tribunal judiciaire. Il s’agissait de raisons sérieuses et légitimes, selon lui, qui devaient faire obstacle à la résiliation judiciaire demandée par Lise.
Les juges lui avaient donné raison. Ils avaient relevé que Luc et son épouse justifiaient de difficultés économiques tant par leur avis d’imposition sur les revenus que par l’ordonnance d’homologation d’une conciliation dans le cadre d’une procédure de règlement amiable.
Cette motivation était-elle suffisante ? Pour la haute juridiction, une réponse négative s’imposait. Elle a censuré la décision des juges, car ils n’avaient pas recherché si les difficultés économiques invoquées par Luc et son épouse résultaient de faits indépendants de leur volonté.
L’épilogue
La décision est sévère pour Luc et son épouse. Devant la cour de renvoi Luc et son épouse devront apporter tous les éléments de nature à établir que les difficultés financières rencontrées sur l’exploitation ne sont pas la résultante d’erreurs de gestion, mais ont bien été générées par une hausse incompressible des charges liée à la conjoncture économique, totalement indépendante de leur volonté.