Les principaux syndicats agricoles ont rendu leur copie. Le 19 juillet 2019, ils avaient été invités par le ministère de l’Agriculture à transmettre à la mi-septembre, leurs préconisations pour remettre à plat les outils de gestion des risques en agriculture.

 

Sécheresse, épisode de grêle…, face à la recrudescence des aléas climatiques, Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, a annoncé en juillet le lancement d’une consultation sur l’amélioration des outils de gestion des risques, invitant divers organismes professionnels agricoles à donner leur avis.

Prévenir avant de guérir

Comme on pouvait s’y attendre les avis divergent concernant l’assurance récolte, mais tous les syndicats s’accordent sur l’urgence de réformer la politique de gestion des risques en France en mettant l’accent sur la prévention.

 

La FNSEA, JA et la Coordination rurale préconisent de prendre en compte les outils de prévention mis en place sur les exploitations dans la tarification des assurances. « Avant de gérer les risques il faut commencer par les prévenir avec des investissements durables », lance François Lucas, vice-président de la Coordination rurale, en charge du dossier. « Dans le contexte actuel, où la capacité de l’agriculteur à investir est limitée, l’État et les collectivités devraient participer au financement de ces outils de prévention, lesquels sont bénéfiques également pour la société civile et d’autres secteurs économiques », défend le syndicat.

 

La Coordination rurale et la Confédération paysanne ont néanmoins mis en avant une limite à la transformation des exploitations : la baisse des prix agricole et le manque de revenu des exploitants. Il faut « replacer l’ensemble des considérations sur les risques agricoles dans le contexte des politiques agricoles » actuelles, insiste la Coordination rurale, pointant du doigt le découplage des aides ainsi que la baisse continue des prix agricoles qui a eu pour conséquence de « neutraliser l’intérêt économique ou la rentabilité de tout investissement dans les moyens de prévention ».

« Il est urgent de soutenir et développer une agriculture qui soit plus résiliente face à ces événements [climatiques] », affirme la Confédération paysanne mais « il faut accompagner politiquement et publiquement la transformation des systèmes de production et de commercialisation agricoles ».

Améliorer l’assurance récolte

Pour la FNSEA, l’assurance récolte est un outil qui permet de « répondre efficacement à majorité des risques climatiques » mais il doit être amélioré. « Il est donc indispensable de mettre en œuvre toutes les conditions favorables à son développement », indique le syndicat. Il doit rester au cœur du dispositif de gestion des risques.

 

Comme la coordination rurale, le syndicat propose plusieurs améliorations telles que : une meilleure transparence des tarifspar la création d’un pool d’assureurs, appliquer le règlement Omnibus (baisse du seuil de déclenchement et augmentation du taux de subvention), changer le mode de calcul du rendement historique…

 

JA propose « une refonte de la gouvernance française de la gestion des risques » et la création du groupement pour une assurance mutualiste agricole (Gama), dont le but serait « d’équilibrer les forces entre agriculteurs et assurances ». « Le Gama aura un rôle de négociant, il émettra des appels d’offres et aura un rôle de conseil et d’audit auprès des exploitants », indique JA.

 

Pour la Confédération paysanne, l’augmentation du nombre d’aléas climatiques risque de faire « exploser le coût des primes d’assurance ». « Notre avis est qu’il faut sortir du système assurantiel privé qui n’est pas facile à rendre attractif et pas rentable pour les assureurs », argumente Nicolas Girod, porte-parole du syndicat. La Conf estime aussi que les assurances privées et le fonds des calamités excluent trop d’exploitants car ils ont des critères trop restrictifs.

Le syndicat propose en ce sens la création d’un outil mutuel et solidaire basé sur le système des calamités, qui couvrirait tous les risques y compris ceux assuré. Il serait financé par les paysans, les filières avec une partie des contributions volontaires obligatoires (CVO), les financements dédiés au Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA, ex-fonds des calamités) ainsi qu’une taxe sur la spéculation sur les matières premières agricoles.

Réformer le fonds des calamités

JA et la FNSEA préconisent une réforme des critères d’accès et d’indemnisation du FNGRA afin de permettre aux exploitations diversifiées de ne plus être exclues des indemnisations et une meilleure articulation des systèmes assurance et FNGRA, en mettant fin à la contradiction réglementaire selon laquelle, il arrive parfois « qu’un agriculteur assuré soit moins bien indemnisé que son voisin non assuré bénéficiant du seul régime des calamités agricoles », explique la FNSEA.

 

JA propose même la création du CCAF (fonds des calamités et catastrophes agricoles françaises) qui prendrait en charge les dégâts causés par les tremblements de terre, les avalanches, les glissements de terrain, les inondations, les cyclones, les ouragans, les éruptions volcaniques et les incendies d’origine naturelle et les mauvaises conditions climatiques extrêmes dans la définition de la catastrophe naturelle.

Rendre encore plus attractive la DEP

 

La Coordination rurale salue la mise en place de la nouvelle déduction pour épargne de précaution mais estime qu’elle doit être encore améliorée en modifiant le calcul des plafonds de déduction qui ne sont pas adaptés à la taille des exploitations.

 

JA propose d’aller plus loin et de transformer la déduction pour épargne de précaution (DEP) en un outil d’aide à la transmission sous forme « d’une dotation unique pour l’épargne et la transmission (DUET). « Lorsque l’agriculteur arrivera en fin de carrière, nous souhaitons que l’épargne de précaution puisse être mobilisable pour le futur installé » via ce système, indique JA.

 

Il reste encore du chemin à parcourir avant que le ministère de l’Agriculture ne rende ses conclusions, des réunions de concertation entre tous les acteurs sont prévues dans les mois à venir. Le ministère a pour objectif de formuler une feuille de route d’ici au début de 2020.

 

Une inconnue de taille risque cependant de limiter les marges de manœuvre du gouvernement : les décisions de la Commission européenne concernant le budget et l’orientation de la future Pac.