C’est une idée simple et forte : face à la volatilité des marchés, donner aux agriculteurs la capacité de protéger leur revenu, toutes productions confondues, contre les baisses de rendement et de prix. Tel est l’objectif de l’« instrument de stabilisation des revenus » (ISR) – en réalité, de la marge brute de l’exploitation – introduit par la réforme de la Pac en 2013, mais encore très peu utilisé. Les États-Unis ont une expérience beaucoup plus longue, puisqu’ils ont mis en œuvre, dès 1999, une assurance du chiffre d’affaires global de l’exploitation, rebaptisée en 2015 Whole-Farm Revenue Protection (WFRP).

L’ISR est un fonds de mutualisation, financé par les producteurs et bénéficiant de subventions plafonnées à 65 % des indemnités versées. La WFRP protège les recettes de l’exploitation par rapport à leur niveau moyen des cinq années précédentes, comme l’ISR mais sans prendre en compte les dépenses d’intrants. Pour y participer, le producteur paie une prime dont le montant varie selon le degré de risque de l’exploitation, avec une franchise minimum de 15 %, contre 30 % pour l’ISR. Le taux de subvention des primes WFRP diffère selon le nombre de productions pratiquées et le niveau de garantie choisi. En 2016, il est en moyenne de 70 %.

Le fait que la WFRP soit une assurance, plutôt qu’un fonds de mutualisation, présente certains avantages. Les assureurs font leur métier : ils collectent les données et gèrent les indemnisations, sur la base de la déclaration d’impôt des agriculteurs. Le risque lié à la WFRP est mutualisé par les assureurs, avec en outre une garantie publique de réassurance, alors que la capacité financière d’un fonds de mutualisation est limitée par le montant des cotisations payées par les producteurs. Sur la période 1999-2014, les indemnités octroyées au titre de l’assurance des recettes globales d’exploitation ont dépassé de 19 % le montant des primes, ce qui témoigne de la difficulté pour les assureurs de déterminer le juste niveau des primes.

La réforme de la WFRP en 2015 a porté ses fruits : environ 2 200 agriculteurs américains y ont souscrit en 2016, contre moins d’un millier jusqu’en 2014. Certes, les garanties liées à la WFRP représentent à peine 7 % des garanties totales des assurances récolte et chiffre d’affaires. Mais la WFRP a été spécialement conçue pour les exploitations diversifiées (fruits et légumes, horticulture, polyculture-élevage), pour lesquelles il n’y a pas ou peu d’assurances chiffre d’affaires par production. Elle n’intéresse pas les exploitations spécialisées en grandes cultures, ni les producteurs de lait, qui disposent d’assurances spécifiques. Le chemin sera long, en Europe, pour la mise en place d’un instrument de stabilisation des revenus qui soit efficace, financièrement viable et adopté par un grand nombre d’agriculteurs.