On s’imagine souvent le scénario du pire, mais rarement celui du meilleur. Pour la troisième fois, l’association Solagro publie une prospective actualisée à horizon 2050 portant sur l’état des terres françaises dans le cas d’une révolution des systèmes alimentaires et agricoles. En s’alignant sur des principes de sobriété et d’efficacité, il détaille comment la France peut atteindre la neutralité carbone en réduisant drastiquement l’élevage, les intrants chimiques et le gaspillage, tout en restaurant la biodiversité et la fertilité des sols.

Avant de se pencher sur la prospective menée par l’association pour chaque filière agricole, il est utile de rappeler quelles pratiques agricoles permettraient d’atteindre les résultats projetés dans 25 ans. Au préalable, Solagro imagine un futur où l’artificialisation des sols serait strictement contenue à 300 000 hectares, « en cohérence avec l’objectif de zéro artificialisation nette ».

Pour l’association, « ce choix implique une meilleure valorisation du foncier existant afin de préserver la vocation nourricière et écologique des sols agricoles ». Par ailleurs, le scénario nécessite que « les terres arables reculent d’environ 1,5 million d’hectares », au profit notamment d’espaces forestiers. Cette baisse serait compensée par « une meilleure efficacité, une plus grande diversité des cultures et un recentrage sur l’alimentation humaine ».

Enfin, toutes les productions végétales agricoles doivent être conduites « à 100 % selon des pratiques agroécologiques ». Dans la même logique, l’utilisation des produits phytosanitaires doit baisser de 90 % et la fertilisation azotée minérale diminuer jusqu’à atteindre moins de 20 % des niveaux actuels.

Cultures végétales : augmentation des légumineuses et réduction des céréales

Pour les cultures végétales, la reconfiguration des surfaces est dictée par « la réduction de la consommation de produits animaux et une augmentation des légumineuses ». Ainsi, les surfaces de céréales diminueraient (- 1,4 million d’hectares), tandis que celles dédiées aux protéagineux et légumineuses fourragères « augmenteraient significativement, permettant de couvrir l’essentiel des besoins azotés du système agricole », note l’association.

Entre 2025 (petit cercle) et 2050 (grand cercle), Solagro projette une diminution d'1,4 millions d'hectares des surfaces de céréales. (© Capture d'écran Afterres 2050)

Le maraîchage, les légumes de plein champ et les jardins progresseraient en revanche de 400 000 hectares pour accompagner l’évolution des régimes alimentaires, « avec une relocalisation autour des bassins de consommation et des systèmes d’irrigation plus sobres et sécurisés ».

Un cheptel bovin réduit de 49 %

Dans la prospective de Solagro, l’élevage est profondément repensé et redimensionné, mais l’autosuffisance alimentaire nationale serait bien maintenue.

« Au global, la baisse serait de 49 % pour le cheptel bovin, avec une évolution massive du troupeau bovin allaitant vers des races mixtes ou laitières », projette l’association. Les effectifs des races à viande pure seraient quant à eux réduits de 72 %, et ceux de races laitières ou mixtes de 22 %.

De leur côté, les cheptels ovins et caprins diminueraient respectivement de 9 et 18 %.

La prospective Afterres 2050 imagine une hausse de 9 % des effectifs dans les élevages de poules pondeuses d'ici 25 ans. (© Capture d'écran Afterres 2050)

Selon la prospective de Solagro, « le nombre de places de porcs diminuerait par ailleurs de 54 %, et le nombre de porcs abattus par an de 61 % ». Pour les poulets de chair, leur nombre et leur abattage baisseraient respectivement de 18 % et de 53 % par an. En revanche, les poules pondeuses sont les seuls élevages dont les effectifs augmenteraient (+ 9 %).

Alimentation animale : fin de la dépendance au soja

Pour l’alimentation animale, les éleveurs privilégieraient l’utilisation d’aliments de la ferme et l’abolition des aliments OGM. Ainsi, dans le scénario d’Afterres, « les volumes importés de protéines végétales pour l’alimentation animale deviennent nuls, mettant fin à la dépendance au soja ».

Par ailleurs, la production fourragère deviendrait « largement excédentaire par rapport aux besoins des ruminants, offrant une sécurité face aux aléas climatiques. Le surplus d’herbe et de fourrages disponible triplerait par rapport aux besoins ».

Dans les bioénergies, essor de la méthanisation et de l’agrivoltaïsme

Sur le banc des énergies productibles grâce aux terrains agricoles ou à ses résidus, la méthanisation agroécologique connaîtrait un essor important, « fournissant 130 TWh de biogaz ». Le digestat quant à lui, serait « essentiel pour la fertilisation des cultures, en particulier en agriculture biologique », indique Solagro.

Dans le scénario Afterres 2050, la méthanisation agroécologique fournirait 130 TWh de biogaz en 2050. (© Capture d'écran Afterres 2050)

Aussi, près de 100 000 hectares de surfaces agrivoltaïques seraient intégrés sur le territoire. Les biocarburants enfin verraient leur production réduite de près de 50 % pour ceux de première génération, quand des ressources des résidus agricoles ou encore des cultures lignocellulosiques sont prévues pour les biocarburants de seconde génération.