En France, la filière viande « doit sortir du vide stratégique dans lequel elle se trouve. » L’École de guerre économique est formelle : dans un rapport intitulé Comment perdre une guerre économique : l’exemple de la filière viande en France, elle décrypte la menace systémique constituée par « l’activisme financier » lié au marché des substituts à la viande.
Les investisseurs de ce secteur en expansion, parmi lesquels Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (les Gafam), partagent une même obsession : mettre la main sur la manne du marché mondial de la viande en proposant des imitations. L’argumentaire est rodé : « la viande propre » ou clean meat, issue de végétaux comme le soja ou de cellule souche animale, serait la solution pour sauver la planète et dans le même temps la nourrir dans un contexte de crise alimentaire à venir.
Produire des alternatives sans animaux présenterait aussi un gain de temps considérable (il faudrait six jours pour obtenir du « poulet cellulaire ») et, à terme, via des process industriels, une opportunité très rentable. Quels meilleurs ambassadeurs pour faire valoir ce message ?
Si la finance soutient les start-up d’alternatives à la viande, elle subventionne également les associations anti-élevage qui imposent, à coup de trophées et de prix, des normes « propres » aux distributeurs et industriels, donc de nouvelles contraintes aux éleveurs.
Mais dans un contexte de rejet de l’alimentation ultra-transformée, les consommateurs sont loin d’être convaincus. Il se pourrait qu’à long terme ces succédanés reviennent, plus discrètement, se fondre à l’état d’ingrédients dans le système alimentaire actuel.
Dans tous les cas, comme le souligne une étude du cabinet de conseil Deloitte, le temps où les produits alternatifs à la viande appartenaient à une niche de marché est révolu. Les colosses de la viande l’ont d’ailleurs compris en proposant leur propre gamme de « steaks » ou « saucisses » aux végétaux.
Dossier réalisé par Rosanne Arieset Marie-Gabrielle Miossec