Ils sont attendus chaque année avec inquiétude par les maires en raison de leurs impacts administratif et financier. Les chiffres de recensement de l’Insee définissent les dotations de l’État aux municipalités. Les derniers sont parus le 30 décembre 2019. Ils font la part belle aux communes rurales. Celles dites « peu denses », allant de 200 à 3 000 habitants, connaissent en effet la plus forte croissance de population. Plus de la moitié sont situées en périphérie des principales agglomérations. Ce qui signifie que ce n’est pas tant la campagne qui voit sa population augmenter que la ville qui continue de déborder.
Si ce phénomène d’extension urbaine est connu depuis les années 1960, la nouveauté tient au fait que les communes plus éloignées des centres urbains - jusqu’à quarante kilomètres - gagnent désormais autant d’habitants que celles plus proches, grâce à un solde migratoire positif. Leur solde naturel reste en revanche négatif, avec davantage de décès que de naissances.
Les chiffres montrent, par ailleurs, qu’aux côtés de ces communes rurales en plein boom (proches des villes ou touristiques), celles en déclin voient leur population diminuer ou stagner. Ce qui atteste de la grande diversité des ruralités, mais aussi des nouvelles populations avec lesquelles les maires doivent composer.
« On ne reste plusdans une commune à vie »
« Dans une commune de banlieue comme la mienne aux confins de l’île-de-France, à mi-chemin entre Reims et Paris, les habitants sont attirés par un foncier pas cher, mais ils souhaitent jouir des avantages de la ville et de ceux de la campagne », note Pierre-Emmanuel Bégny, maire de Saâcy-sur-Marne (1 849 habitants) en Seine-et-Marne, dans son livre Chers administrés, si vous saviez…, paru ce mois-ci.
Dans ce même département, l’agriculteur Thierry Bontour, maire de La Chapelle-Moutils (446 habitants), observe une population « très volatile » : « Les gens passent vite d’une commune à une autre, même quand ils accèdent à la propriété. La non-stabilité des emplois et des couples joue un rôle, mais je pense aussi qu’on ne s’installe plus dans une commune pour la vie, comme on ne passe plus ses vacances au même endroit. Nous comptions une trentaine de maisons secondaires dans les années 1980, appartenant à des Parisiens qui venaient s’y reposer. Aujourd’hui, il n’en existe plus que trois ou quatre. » Par ailleurs, la plupart des habitants ne travaillent pas au sein de la commune.
Le constat est le même pour le céréalier Luc Jacquet, maire de Fouronnes, une commune de 166 habitants dans l’Yonne : « Nous faisons office de cité-dortoir et d’Ehpad, ironise-t-il. Les jeunes couples s’installent ici mais travaillent à Clamecy, Avallon, Auxerre ou Chablis. Les maisons sont moins chères qu’en ville, seulement il leur faut deux voitures. Quant aux retraités, ils viennent pour bénéficier du calme. »
« Le gros problème,c’est l’emploi »
L’éleveur, Pascal Carpentier, maire de Crosville-la-Vieille (614 habitants) dans l’Eure, a vu la population vieillir et les jeunes, en études supérieures, partir. « La majorité des cadres de notre communauté de communes habitent dans l’agglomération de Rouen ou dans celle d’Évreux car leurs conjoints y travaillent. Le gros problème ici, c’est l’emploi. »
à Vicq-sur-Breuilh en Haute-Vienne, Christine de Neuville (lire ci-contre) est, quant à elle, confrontée à l’arrivée de jeunes ménages et de familles monoparentales.
Assimilés aux espaces agricoles, les territoires ruraux ont longtemps été considérés, en creux, comme non urbains, note l’Insee dans son rapport. C’est désormais un cadre de vie qui les définit et engendre de nouveaux conflits d’usage que les maires sont amenés à régler, en particulier autour des terrains agricoles.