Contrairement aux polluants cités plus haut, les produits phytosanitaires ne sont actuellement pas concernés par des seuils réglementaires à ne pas dépasser. Mais le sujet fait de plus en plus parler de lui ces dernières années, notamment en France. Cette dernière est l’un des premiers pays a avoir lancé une campagne de surveillance des pesticides de l’air ambiant à l’échelle nationale. Mise en place dans le cadre du Prépa, elle a débuté le 25 juin 2018. L’objectif : évaluer l’exposition moyenne de la population aux molécules issues de l’utilisation des produits phytosanitaires. « L’idée de cette campagne est d’acquérir des connaissances sur un sujet beaucoup moins mature que l’ammoniac », indique Sophie Agasse, responsable des dossiers impacts environnementaux à l’APCA.

Pendant un an, quatre-vingts substances actives sont mesurées sur cinquante sites situés en zones urbaines, périurbaines et rurales. La répartition des sites de mesures permet d’analyser l’air dans des contextes variés : grande culture, viticulture, arboriculture, maraîchage et élevage. « Cette diversité a pour objectif d’évaluer l’exposition de l’ensemble de la population française, et non pas uniquement celle des populations à proximité des zones traitées », explique Sophie Agasse. La liste des molécules à suivre a été proposée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Le projet implique également le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA) et la fédération Atmo France, qui regroupe les différentes Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) régionales. Ces dernières effectuaient déjà, pour certaines, des suivis de phytos alors qu’elles n’en avaient pas l’obligation. La dimension nationale du plan en cours permet une harmonisation des mesures, à la fois vis-à-vis des protocoles et des molécules recherchées.

Contamination ne veut pas dire pollution

« Les rapports qui ont déjà été réalisés en région montrent que, globalement, on a une contamination chronique de l’air par les pesticides, pour laquelle la signature agricole est généralement très claire », indique Hélène Budzinski, directrice de recherche en chimie analytique et de l’environnement au CNRS. Elle précise que « contamination ne veut pas dire pollution, contamination veut dire présence ». Le terme « pollution » se réfère en effet à un impact négatif mesurable. Or, actuellement, il n’existe pas de seuils de toxicité concernant les produits phytos dans l’air.

Pour Sophie Agasse, cela interroge sur l’issue du projet de surveillance. « La question n’est pas de savoir s’il y a des pesticides dans l’air, car oui il y en a. Elle est de savoir ce qui sera fait avec les résultats », affirme-t-elle. Lorsqu’ils seront communiqués, ces derniers ne pourront pas être comparés avec des valeurs de référence.

Étudier le lien avecles pratiques agricoles

Un tout autre projet est en cours sur le sujet, avec l’objectif de comprendre les processus qui mènent à retrouver des produits phytos ou des résidus dans l’air. Impliquant chambres d’agriculture, Aasqa, établissements de recherche et de formation de six régions (*), le projet Repp’air a débuté en janvier 2017 et durera jusqu’en juin 2020. « Le but est d’adapter le conseil qui est fait aux agriculteurs », explique Laëtitia Prévost, chargée d’étude qualité de l’air et climat à la chambre d’agriculture du Grand-Est.

Autour des points de mesure de la qualité de l’air gérés par les Aasqa, des enquêtes de pratiques relatives aux applications de produits phytos sont réalisées sur un rayon de 1 km. « Cette distance a été déterminée aux dires d’experts », précise Laëtitia Prévost. « Les Aasqa ont considéré que c’était un bon point de départ. Cela nous permet aussi de réaliser les enquêtes, qui sont chronophages. »

Les conclusions de ce projet ne seront communiquées qu’à l’issue des trois années, mais seront des données précieuses qui viendront compléter les résultats du plan de surveillance national. Le ministère en charge de l’environnement compte par ailleurs sur le retour d’expériences de celles-ci pour avancer vers une stratégie nationale de surveillance pérenne. Cela mènera-t-il à des études complémentaires ? À une réglementation spécifique ? A priori, l’heure est plutôt au défrichage du sujet, sur lequel la France est globalement en avance.

(*) Bretagne, Pays de la Loire, Centre Val de Loire, Grand- Est, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes.