C’est bien connu, les lobbies c’est toujours les autres : les intérêts privés, les milieux économiques, les méchants industriels… À ce petit jeu, les tenants de l’écologie politique radicale sont devenus des orfèvres, l’invoquant à tout bout de champ pour tenter de disqualifier leurs adversaires. « C’est le lobby agricole qui est derrière » : combien de fois vous avez entendu cette rhétorique en guise d’argumentation, presque un leitmotiv ces derniers temps ! Derrière ce manichéisme « des bons et des méchants », la réalité est évidemment plus nuancée, mais comme le souligne dans son livre Patrick Lesaffre (1), dans le débat public, « on survalorise le rôle des ONG qui prétendent représenter l’intérêt général. La grande force de certaines ONG écologiques est de se faire passer pour le chevalier blanc qui se bat contre le lobbying alors que leur propre métier est de faire du lobbying ! »
Dans ce registre, il y a une ONG qui se distingue particulièrement : Générations futures (GF). Un cas d’école. Voilà une association ouvertement financée par des poids lourds du bio (Biocoop, Distriborg, Léa Nature, Botanic), qui distille régulièrement des « pseudo-études » anxiogènes qui ne valent pas tripette scientifiquement mais qui retiennent systématiquement l’attention de la presse. Du « grand art », car la puissance d’un lobbying et d’une stratégie d’influence, ce n’est pas seulement l’argent mais c’est aussi et surtout l’accès aux médias. L’actualité de cette semaine nous en fournit une illustration très concrète. Avec une communication une nouvelle fois alarmiste de GF sur les résidus phyto dans les fruits et légumes, reprise en boucle alors qu’une très faible proportion des analyses est au-dessus des limites maximales légales. Et nombreux sont les médias à tomber dans le panneau, comme l’AFP qui préfère titrer sur des résidus de pesticides dans trois-quarts des fruits non bio plutôt que sur ce fait rassurant. Curieusement, le directeur de GF s’est retrouvé lundi dernier invité durant La matinale d’Europe1 sans qu’il n’y ait en face un seul scientifique ou représentant d’une agence sanitaire pour le contredire. « Cette énième campagne pipeau de GF, reprise ad nauseam sans la moindre trace d’esprit critique par tant de journaux, a de quoi rendre vert de rage », commentait, agacé, sur Twitter, le journaliste scientifique Florian Gouthière (ex-Magazine de la santé).
Depuis la loi Sapin 2, les « représentants d’intérêts », appellation officielle des lobbies, sont inscrits dans un registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Et GF y est répertoriée depuis juin 2018. Si vous aviez encore des doutes sur la vraie nature de cette association…
(1) Un écologiste ne devrait pas dire cela. Entre croyances et vérités scientifiques (Fauves Éditions).