Florian Lahas était très jeune, tout juste vingt ans, lorsqu’il s’est installé, en 2012, sur la ferme de son grand-père René à Ardizas, dans le Gers. À quatre-vingt-deux ans, celui-ci avait décidé de prendre une retraite bien méritée. Il avait arrêté l’élevage de blondes d’Aquitaine en 2003, puis la culture d’ail de Cadours et n’avait gardé que 36 hectares de blé et de tournesol. « Après un bac STAV (1) et un BTS ACSE (2), en alternance chez un producteur de canards gras, je me suis lancé dans le gavage de prêts-à-gaver, raconte Florian. Je produisais trente mulards par semaine, de début novembre à fin mars, que je vendais le dimanche au marché au gras de Gimont (Gers). Cela m’a permis de bénéficier rapidement de trésorerie. Depuis la grippe aviaire, il y a trois ans, je me suis équipé pour élever mes animaux moi-même, afin de maîtriser la biosécurité. Je reçois donc désormais des canetons. Et je commercialise mes foies gras à la ferme. »

Seul sur son exploitation, Florian réalise tous ses travaux des champs, sauf quelques semis et les moissons, confiés à un entrepreneur. © Florence Jacquemoud

De l’eau pour l’ail

En parallèle, au fur et à mesure du départ à la retraite de ses voisins, Florian a agrandi son exploitation. Il cultive aujourd’hui 130 hectares. Fort de ses nouvelles surfaces, il a relancé une production d’ail violet de Cadours, sur 1,5 ha irrigué par un petit lac creusé dans les années 1970 à l’entrée de la propriété. Une activité gourmande en temps, l’été, car les têtes sont vendues en tresses, que le jeune homme confectionne avec l’aide de Nadine, sa belle-mère. « Je produis 10 à 12 tonnes d’ail, vendues en direct à des revendeurs, détaille-t-il. Sur le coût de production, la semence représente le poste le plus élevé, mais il y a ensuite peu d’intrants. Je fixe un prix qui convient aux deux parties et je rentre dans mes fonds. »

Les parcelles d’ail violet de Cadours sont les seules à être irriguées par un petit lac creusé sur la propriété. © Florence Jacquemoud)

Mieux que le tournesol

Les terres restantes sont cultivées en sec. Exclu des programmes de production de semences, car il n’a pas suffisamment d’eau, Florian a tout d’abord mis en place une rotation blé-orge-triticale autour du tournesol. « Mais cette culture me donne mal à la tête tellement elle est “aimée” de tout le monde : taupin, palombe, pigeon, perdreau, col-vert, corbeau, lièvre, biche…, ironise-t-il. Et les produits de désherbage sont de moins en moins efficaces. J’ai donc cherché une alternative. Je me suis souvenu qu’en 1982, mon grand-père avait semé du sorgho. Il avait dû faire installer une cabine sur sa moissonneuse, car ça le grattait trop lorsqu’il récoltait ! En 2016, j’ai tenté une rotation sur six ans, incluant sorgho grain, tournesol et céréa­les à paille. Comme je suis seul sur mon exploitation, j’effectue tous les travaux des champs, sauf les moissons, que je confie à un entrepreneur. »

Au semis, le sorgho aime que la terre soit réchauffée, il ne supporte pas les gelées. Florian le met en terre début mai, après les derniers coups de froid. Cette céréale se désherbe comme un maïs, avec un antigraminées, puis un antidicotylédones à quatre feuilles, et n’a pas besoin d’insecticide, même pas d’anti-limace. Elle se moissonne fin septembre-début octobre, avant les pluies d’automne. À 16-17 % d’humidité, on évite les frais de séchage.

Une culture robuste

« La première année, les pluies sont arrivées juste au bon moment et j’ai récolté 75 q/ha, se félicite-t-il. L’année suivante, des abats d’eau sont tombés huit jours après le semis, et celle d’après, le temps sec a perturbé la levée. Mais j’ai quand même fait 55 q/ha. C’est une culture robuste, qui résiste bien à la sécheresse. Son prix est calé sur celui du maïs, moins 10 €/t. Comme les intrants sont peu coûteux, je réalise une meilleure marge que pour le tournesol. »

Après le sorgho, Florian a réintroduit du blé ordinaire, moins sensible à la fusariose et moins cher à produire que le blé de force. Il le sème fin octobre, en direct sur un lit de feuilles de sorgho, qui garde le sol au frais et apporte azote, phosphore et potassium. Un travail simplifié bien appréciable, à une période où il doit aussi planter son ail et commencer à gaver ses premiers canards.

Florence Jacquemoud

(1) Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant.

(2) Brevet de technicien supérieur « Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise ».