« Nous importons 80 % de notre blé panifiable, on pourrait augmenter notre production au Québec au nom de l’autonomie alimentaire », dit Dany Messier, président de Céréaliers du Québec, à la suite d’une visite dans le Cantal en France en mars 2023. L’association regroupe environ 200 céréaliers sur les quelque 9 500 producteurs de grains de la province canadienne.

Si le blé occupait environ 70 % des récoltes du Québec au XVIIe et XVIIIe siècle, c’est très loin d’être le cas aujourd’hui. La majorité du million de tonnes de blé qui sert à fabriquer le pain des huit millions de Québécois provient de l’Ouest canadien, un des greniers de la planète.

Une entreprise française au soutien

Mais la donne pourrait changer. « Nous voulons développer une filière du blé avec un label réaliste qui ne soit pas trop rigide et semblable à ce qui existe en France », poursuit Dany Messier. Lors de sa visite dans l’Hexagone, ce dernier a notamment rencontré Mathieu Baudet, du Groupe Bernard, intermédiaire entre les producteurs et les moulins.

« Il faudrait que les producteurs québécois aient accès à un plus grand nombre de variétés de blé panifiable à haut rendement. En France, nous en avons environ 150 tandis qu’au Québec je crois comprendre que vous en avez six ou sept », explique Mathieu Baudet rencontré lors d’une visite éclair à Montréal en août dernier.

Remplacer les céréales fourragères

L’intérêt des Céréaliers du Québec pour la culture de blé panifiable survient au moment où le groupe anticipe une baisse de 14 % de la production de maïs grain destiné, entre autres, à l’alimentation du cheptel porcin. Le Québec exporte annuellement plus d’un milliard de dollars de viande de porc, mais la Chine, son plus gros client, a fermé la porte aux exportations canadiennes et québécoises, entre autres pour des raisons géopolitiques entre Ottawa et Pékin.

L’insertion et la rotation d’une troisième culture, celle de blé panifiable, dans la production intensive de maïs et de soja seraient bénéfiques pour la santé des sols tout en réduisant l’utilisation d’engrais de synthèse et de pesticides, juge l’association. Ses membres pourraient consacrer plus de 25 000 hectares à cette culture.

« Pour que la filière de blé panifiable se développe au Québec, il faudrait, en plus de développer une expertise technique, que nous ayons un prix compensatoire pour les variétés de blé de printemps qui donnent de 8 % à 12 % de rendement en moins qu’un blé d’automne », croit Paul Caplette, un pionnier de la culture de blé au Québec. Ce céréalier a fait du blé sa principale culture. Il obtient les bonnes années des rendements de 6 à 7 tonnes par hectare et livre son grain au minotier Les Moulins de Soulanges, dont le créneau en pleine expansion, sont les farines de spécialité. Les Québécois sont de plus en plus nombreux à se promener avec une baguette sous le bras. Le défi est que ce pain soit entièrement fabriqué avec du blé maison.