À mi-chemin entre le parc régional de Millevaches et celui des Volcans d'Auvergne, à 720 m d'altitude, Serge Julien ne peut faire pousser que de l'herbe sur son parcellaire. A la recherche d'une autonomie alimentaire maximale, l'éleveur laisse une partie de ses bovins dehors toute l'année. Mais son système naisseur engraisseur n'en reste pas moins très consommateur d'aliments.
"Une fois mes broutards sevrés à l'âge de huit mois, je les repousse en bâtiment jusqu'à ce qu'ils atteignent 420-450 kg, pour les mâles et 350-380 kg, pour les femelles", rapporte Serge. Ce dernier engraisse également une quinzaine de génisses et vaches limousines pour la filière label rouge et 120 agneaux par an. "En 2020, j'étais monté à 170 t d'aliments achetés, calcule-t-il. Un tel tonnage était devenu trop coûteux, je devais trouver des alternatives pour optimiser mes charges".
"J'ai repris la main sur l'achat et la fabrication de mes céréales, afin de mieux maîtriser mon coût alimentaire."
C'est pourquoi, au printemps 2021, Serge se lance dans l'installation d'une fabrication d'aliments à la ferme (Faf). Dans un bâtiment de 540 m2 dédié à cet usage, trois cellules de stockage de 30 à 35 t de capacité ainsi qu'un silo de 6 t pour le complément alimentaire ont été mis en place. L'été dernier, 30 t d'orge, de maïs grain et de pulpe de betterave ont été livrés pour couvrir l'alimentation des troupeaux sur au moins six mois.
Gagner en confort de travail
Dix rations, dont sept pour les bovins et trois pour les ovins, ont été calibrées mais l'automate permet de mettre au point jusqu'à seize formules. "À la distribution, une nouvelle recette peut être lancée à chaque heure et le pesage du bol alimentaire est affiné jusqu'à 100, voire 10 g", indique Serge. La Faf dans son ensemble, comprenant cellules, vis, aplatisseur, mélangeur et boîtier de commande a coûté 38 154 €. L'investissement total, intégrant la construction du bâtiment pour héberger l'installation et des boxes à veaux avec toiture photovoltaïque, s'est élevé à 130 722 €. "Des aides à hauteur de 36 000 € ont été abondées dans le cadre du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE)", renseigne la chambre d'Agriculture de Corrèze.
"Cet investissement a été raisonné sur le long terme", indique Serge, évoquant le projet d'installation de son fils, Simon, à l'horizon 2024. À la reprise de l'exploitation, ce dernier compte monter un atelier d'engraissement de taurillons et de génisses, et aussi acheter des vaches à l'extérieur pour les engraisser. "Dans ces perspectives, la Faf assure une disponibilité sur place en quantité et en qualité des matières premières et permet de gagner en confort de travail", assure l'exploitant.
Des performances au rendez-vous
Sur le volet technique, l'éleveur, accompagné par son technicien, a la main pour ajuster les rations au plus près des besoins des animaux. "L'objectif est d'améliorer les performances techniques, à la croissance et à l'engraissement, et ainsi développer au maximum la rentabilité de l'atelier", relève Alexis Kremer, technicien chez DFP Nutraliance. Pour l'heure, les premiers bovins finis avec les produits issus de la Faf donnent des résultats satisfaisants : "Les vaches ont été valorisées à 532 kg de carcasse en moyenne, pour un état d'engraissement U3+ et un rendement viande allant de 58 à 63 %", calcule Serge.
"Ces premières données restent à mettre en regard avec la quantité d'aliments consommés sur la durée d'engraissement, qui n'a pas été encore calculée", nuance Alexis Kremer. En plus du coût des matières premières, le coût économique global devra être raisonné dans le temps, avec la prise en considération des frais de structure, de l'électricité, du temps de travail et de l'usure de l'installation", ajoute l'expert.
