Au pâturage, les vaches laitières ont à disposition une ration complète et équilibrée. L'herbe est "le seul fourrage qui permet d'atteindre 100 g de PDI/UFL et une densité énergétique UFL/UEL supérieure à 1" sur la belle saison, explique Benoît Rouillé, de l'Institut de l'élevage. Les vaches pâturantes ont théoriquement accès à cette ressource à volonté mais elles n'ont "mécaniquement ni le temps ni la capacité d'en ingérer plus" qu'elles ne le feraient sur une ration à l'auge. Bien au contraire. "Une prim'holstein ingère environ 22 kg de matière sèche (MS) à l'auge, estime l'expert. Au pâturage, atteindre 16 ou 17 kg de MS est déjà très bien." 

En bâtiment, le temps dédié au déplacement et à la recherche de nourriture est considérablement réduit. Le plus souvent, la ration est déjà mélangée et broyée. Il n'y a plus qu'à se servir. Dehors, c'est une tout autre histoire. L'herbe pâturée est une ressource relativement plus longue et complexe à aller chercher, mais aussi particulièrement encombrante. "Sur une herbe à 20 % de MS, il est nécessaire d'aller chercher 5 kg bruts pour 1 kg de MS ingérée", souligne Benoît Rouillé. Plus d'efforts, à caler dans une journée déjà bien remplie. 

Rester vigilant

La stratégie du 100 % pâturage reste parfaitement possible, et vertueuse, à condition d'accepter une baisse de la productivité par rapport à une ration équilibrée distribuée à l'auge. Sur un système herbager, "il faut accepter le recul de production quand les disponibilités ou la qualité ne sont pas aux rendez-vous dans les parcelles", ajoute l'expert. Quand les éléments s'acharnent (sécheresse, fortes pluies), certains éleveurs qui en ont la possibilité complémentent leurs laitières avec des fourrages grossiers. Mais même sans cela, "les vaches s'adaptent bien" et il en faut beaucoup "pour atteindre leur capital santé." La sélection génétique axée sur la rusticité des animaux est une aide précieuse pour les éleveurs adeptes du pâturage. En cas de complémentation à base de concentrés, "la production laitière remonte mais cela ne permet pas d'épargner des surfaces pâturées en cas de coup dur", précise Benoît Rouillé. 

S'il semble impossible de couvrir les capacités d'ingestion des vaches au pâturage, et donc d'exprimer pleinement leur potentiel de production, il est toujours possible de leur faciliter la tâche. En plus d'assurer 40 à 50 ares par vache et de travailler ses mélanges prairiaux, suivre les hauteurs d'herbe d'entrée et de sortie permet d'affiner sa stratégie. L'expert conseille une entrée autour de 10-12 cm, et une sortie autour de 5-6 cm. "Le pâturage ras est moins intéressant du point de vue nutritionnel. Les vaches ont aussi plus de difficulté à arracher les tiges." Avec une gestion moins stricte du pâturage, "on s'expose principalement à un risque de gaspillage de la ressource sur pied", commente le spécialiste.