320 voix "pour" et 5 "contre" : dans la nuit du 4 au 5 novembre 2022, les sénateurs ont largement adopté le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. En pleine crise énergétique, ce texte a pour objectif de faire rattraper à la France son grand retard sur les énergies renouvelables.
Alléger les procédures administratives
Présenté en procédure accélérée, le projet de loi s’articule autour de trois axes : un allègement des procédures administratives pour réduire le temps de déploiement des projets ; une accélération du développement de l'énergie solaire et de l'éolien en mer; une amélioration de l'acceptabilité locale des projets.
Il faut en moyenne en France 5 ans de procédures pour construire un parc solaire, 7 ans pour un parc éolien et 10 ans pour un parc éolien en mer. Le texte prévoit des adaptations temporaires des procédures administratives pour simplifier et accélérer la réalisation des projets, l'objectif étant de raccourcir significativement les délais de déploiement.
Les sénateurs ont réécrit ce volet en créant de nouvelles dérogations temporaires et en proposant des évolutions pérennes aux régimes de l'évaluation environnementale, de la participation du public et du contentieux administratif, pour accélérer la mise en oeuvre des projets.
Le Sénat a renoncé à un droit de "veto" des maires adopté en commission, contre l'implantation d’installations de production d'énergies renouvelables. Il lui a préféré un dispositif plus global reposant sur le choix par les communes de "zones prioritaires".
"Le maire pourra donc s'opposer à l'implantation d'éoliennes s'il n'en souhaite pas sur son territoire", a affirmé le groupe Les Républicains. Ce dispositif assez complexe devrait être "lissé" dans la suite de la navette parlementaire.
"Avancées majeures" sur le photovoltaïque -
Le projet de loi facilite l'installation de panneaux photovoltaïques aux abords des autoroutes et grands axes. Il permet de déroger à la loi Littoral, dans un cadre très contraint, pour l'implantation de panneaux sur des "sites dégradés", notion préférée par les sénateurs à celle de "friches", moins large, proposée par le gouvernement.
Le texte facilite aussi l'implantation dans les communes de montagne. Les sénateurs ont aussi injecté des dispositions en faveur du développement "raisonné" de l'agrivoltaïsme, combinant exploitation agricole et production d'électricité.
Le projet de loi imposait l'équipement progressif des parkings extérieurs de plus de 2 500 m² avec ombrières photovoltaïques et végétalisation. Les sénateurs ont revu la copie du gouvernement, substituant la notion de places de parking à celle de superficie. Les parkings extérieurs de plus de 80 emplacements devront être équipés, soit d'ombrières solaires, soit d'un autre procédé de production d'énergie renouvelable.
Le Sénat a aussi renoncé à la distance de 40 kilomètres des côtes pour les éoliennes en mer, qui aurait, selon Agnès Pannier-Runacher, réduit "très significativement" le potentiel de développement de ces projets.
Le premier volet législatif
Ce texte est la première partie d'un triptyque. Il est complété par un projet de loi visant à faciliter la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, présenté mercredi dernier en conseil des ministres. Puis, au second semestre de 2023, ce sera la prochaine loi de programmation sur l'énergie et le climat.
L'objectif fixé par le président de la République, Emmanuel Macron, pour 2050 est de multiplier par dix la capacité de production d'énergie solaire pour dépasser les 100 GW et de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW. "Nous n'avons pas le luxe d'attendre pour sortir des énergies fossiles. Les Français nous regardent", a souligné Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique lors des débats.
Le groupe PS s'est "réjoui que les grandes orientations politiques de la droite sénatoriale aient été battues en brèche lors du débat en séance publique". Les écologistes se sont félicités "de la suppression du droit de veto des maires" et "des avancées majeures" obtenues sur les installations photovoltaïques.
"Le Sénat pourra revendiquer d'avoir embarqué les élus locaux" dans le développement des énergies renouvelables, a déclaré quant à elle la présidente de la commission des affaires économiques Sophie Primas (LR).
"Il est impératif que les députés se mobilisent pour renforcer ce texte, trop faible notamment sur l'éolien terrestre, dans le respect des riverains et de la biodiversité", a réagi auprès de l'AFP Nicolas Nace de Greenpeace France.