« Les coupes budgétaires imposées à l’Agence bio remettent en cause sa capacité à remplir ses missions d’intérêt général », alerte le président de l’agence, Jean Verdier, qui appelle le 20 mai 2025 au « rétablissement des crédits votés ».
Le ministère de l’Agriculture avait indiqué le même jour, une réduction du Fonds avenir bio de 18 millions d’euros à 8,7 millions d’euros. Ce fonds accompagne le développement des acteurs français du secteur. 350 infrastructures en ont bénéficié depuis quinze ans selon l’Agence bio. « Chaque euro financé par l’Agence bio fédère entre 2 et 3 euros d’argent public et privé ; le désengagement de l’État va donc occasionner le désengagement de fonds, de banques, de financeurs », prévient l’organisme.
Coupe dans la communication pour les 40 ans du label
Le ministère a aussi annoncé la suppression de 5 millions d’euros destinés à la communication de l’Agence bio. Le cœur risque alors de ne pas être vraiment à la fête le 22 mai, alors que le secteur fêtera les 40 ans du label AB, le label de l’Agriculture biologique. À cette occasion, l’Agence bio dévoilera le premier spot télévisuel du label bio, une campagne publicitaire visant à stimuler la consommation de produits bio, à l’heure où la demande redémarre tout doucement après deux années d’inflation qui ont mis à mal les filières biologiques. Ironie du sort, le gouvernement vient d’annoncer l’abandon de cette campagne prévue sur trois ans, « avant même les résultats de sa première année », regrette Jean Verdier.
« Derrière la symbolique de cette date anniversaire, cet événement doit permettre aux acteurs de la filière, aux citoyens et aux élus de prendre la mesure de l’enjeu : sans un soutien fort et cohérent, les ambitions de développement de l’agriculture biologique ne pourront être tenues, appuie Jean Verdier. Il en va de notre souveraineté alimentaire, à la fois écologique et durable ».
« Contre-productives et démoralisantes »
La Confédération paysanne dénonce également ces annonces qu’elle estime « contre-productives et démoralisantes pour toutes celles et ceux qui sont engagés en agriculture biologique ». La ministre « rabote les aides » nécessaires à la restructuration de la filière et à la relance de la demande en produits bio, et « envoie un message délétère », regrette le syndicat de producteurs. La Confédération paysanne craint désormais le pire quant au fléchage de l’enveloppe non utilisée dédiée à la conversion et sur laquelle Annie Genevard doit arbitrer prochainement. Le syndicat demande que cette enveloppe soit réorientée vers les fermes engagées en agriculture biologique, afin notamment « d’éviter les déconversions ».
Même désapprobation de Synabio et Forebio, respectivement syndicat des entreprises agroalimentaires bio et Fédération des opérateurs économiques de producteurs bio, qui qualifient de « douche froide », la diminution du budget de l’Agence. Eux aussi soulignent un timing regrettable, ces annonces intervenant au moment où pointe « une légère reprise de la consommation après plus de trois ans de crise » et où démarre une campagne nationale « inédite » pour relancer la consommation de produits biologiques.
De surcroît, ils notent « l’effet de levier » que représente le Fonds avenir bio touché par les annonces du ministère de l’Agriculture : « en moyenne, les opérateurs économiques mobilisent trois fois le montant des fonds perçus, grâce à des prêts bancaires et des investissements privés, et souvent davantage ».
« L’abandon de l’Agence bio est une profonde aberration », s’insurge aussi Marc Batty, co-fondateur de Fermes en vie, une foncière agricole dédiée à l’acquisition de fermes en agroécologie.
L’ensemble de la filière « affaiblie »
Pour la Maison de la bio et Natexbio (1), la suppression de près de 15 millions d’euros au total est « une décision incompréhensible », expriment-ils dans un communiqué le 21 mai. « En fragilisant l’Agence bio, ses outils de structuration et sa capacité à parler aux Français, le gouvernement affaiblit l’ensemble d’une filière qui emploie des dizaines de milliers de personnes et qui répond à une demande sociétale majeure », déplore Aude Sivel, présidente de Natexbio et La Maison de la Bio.
Ces coupes budgétaires interviennent « au moment même où les acteurs économiques de la bio réinvestissent dans l’innovation, la structuration des filières, et l’accessibilité pour tous ». Elles pourraient mettre « un coup d’arrêt brutal à la dynamique de reprise observée ces derniers mois ». La fédération ne comprend pas ces décisions « à rebours des attentes des Français » alors que ceux-ci « s’inquiètent de leur exposition aux pesticides chimiques », estiment la Maison de la bio et Natexbio, et que l’agriculture biologique représente selon eux « la seule garantie publique de non-utilisation de pesticides de synthèse ».
« On va finir par croire qu’Annie Genevard veut à tout prix la peau de l’agriculture biologique », lance Loïc Madeline, co-président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Puisque la ministre, dit-il, « refuse de réallouer les reliquats massifs de l’aide conversion biologique sur du soutien au maintien des filières » et « ne dit rien sur le crédit d’impôt bio qui doit être renouvelé cette année ». Aussi, dans un communiqué du 20 mai, la Fnab « propose à l’ensemble des députés de travailler sur une résolution transpartisane de soutien à l’agriculture biologique ».
L’Agence bio se défend
L’avenir de l’Agence bio est par ailleurs plus qu’incertain. Outre ces coupes budgétaires pour 2025, l’agence serait menacée de suppression ou de fusion selon des documents ministériels consultés cette semaine par l’AFP.
L’Agence bio, dont les administrateurs sont en majorité des agriculteurs, regroupe des organisations professionnelles pour l’information, la promotion et l’accompagnement des acteurs du secteur bio. « Reconnue pour son efficacité », « acteur de référence », forte d’une « capacité à fédérer » : l’Agence bio se défend face aux critiques récurrentes sur son coût de fonctionnement.
Dans son communiqué, elle parle entre autres de « C’est bio la France » comme d’une campagne qui « marche » : « Nous avons observé une augmentation des ventes de bio de 5 % partout où la campagne, qui renforçait la compréhension et l’envie de bio, était déployée ». Auditionnée le 29 janvier à l’Assemblée nationale sur ses missions, l’Agence bio s’exprimera également jeudi 22 mai devant les sénateurs.
Le fonds maintenu au-delà de l’enveloppe traditionnelle, selon le ministère
« Annie Genevard réitère le plein engagement du gouvernement en faveur de l’agriculture biologique à l’occasion des 40 ans de la création du label AB », titre le communiqué du ministère de l’Agriculture du 22 mars. La ministre y souligne notamment l’ambition gouvernementale « toujours déterminée » à atteindre les 18 % de surfaces agricoles en bio en 2027.
S’agissant des soutiens financiers, « le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire s’est fortement mobilisé pour maintenir le Fonds avenir bio, à hauteur de 8,8 millions d’euros en 2025, soit un niveau supérieur à l’enveloppe traditionnellement allouée hors dépenses exceptionnelles », indique-t-elle. Entre 2021 et 2024, ce fonds avait « pu être exceptionnellement renforcé par le Plan France relance et par les moyens consacrés à la planification écologique ». Il était de 8 millions d’euros auparavant.
Enfin, sur le plan de la communication, le ministère se dit « engagé aux côtés de la filière pour mobiliser des fonds européens dès cette année ».
(1) La Maison de la bio et Natexbio fédèrent des organisations professionnelles du secteur, allant des producteurs, transformateurs, distributeurs et certificateurs bio.