Comme chaque année, la filière bio faisait son autoanalyse chiffrée pour l’année passée. Confirmant la tendance observée ces derniers mois, la consommation morose affecte durement les producteurs. Entre 2021 et 2022, le marché a ainsi reculé de 4,6 % en grande distribution et 8,6 % en magasins spécialisés. Les artisans limitent les dégâts avec un recul évalué à 2,6 %.

Pour Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, la baisse globale des dépenses alimentaires n’est pas la seule explication. « Ce qui est alarmant, c’est que la part des produits bio dans le panier des Français a diminué en passant de 6,4 % à 6 %. Pour le pays champion d’Europe de production bio c’est un peu embêtant » regrette-t-elle. En allant plus loin, elle identifie toutefois un motif de satisfaction, « les 26 000 fermes bio qui vendent en direct sont en croissance à 3,9 %. Ça, c’est plutôt de bon augure » note-t-elle. Reste que la consommation du bio a cette particularité de s’effectuer pour 92 % à domicile, contre 8 % en cantine ou restauration, ce qui pose aussi un problème pour la filière. « Sur un achat plaisir au restaurant, on oublie nos engagements à la maison », observe Laure Verdeau.

Hausse des surfaces, chute des conversions

Si la consommation est le nerf de la guerre dans la crise actuelle, les producteurs sont en première ligne. En préambule, le président de l’Agence Bio Loïc Guines, producteur laitier, a toutefois choisi de désamorcer certains arguments. « On entend parler de déconversions mais les principaux arrêts en agriculture biologique sont des départs en retraite » appuie-t-il. Le nombre d’exploitations en hausse à + 3,5 % sur l’année 2022 pourrait atténuer l’atmosphère pessimiste mais ce chiffre était encore à 9 % en 2021. Le ralentissement est donc bien là.

Les surfaces en revanche progressent encore avec 10,71 % de la SAU française en bio en 2022, contre 10,44 % en 2021. « On pense que les surfaces vont encore augmenter en 2023 car pour être agriculteur bio, il faut deux ans à trois ans » précise Loïc Guines. Mais là encore le diable se niche dans les détails car les surfaces en première année de conversion chutent de 40 % et 12 % pour les deuxièmes ou troisièmes années de conversion.

Toutes les productions ne sont néanmoins pas impactées dans les mêmes proportions. Si la production laitière est stable, c’est plus difficile en volaille et surtout en porc. « La situation n’est pas bonne pour les producteurs de porcs. Ils tiennent pour l’instant mais on ne sait pas pour combien de temps » alerte Loïc Guines. Les investissements élevés nécessaires en bio pénaliseraient davantage ces producteurs.

Ne pas lâcher la production

La conjoncture certes délicate ne doit pourtant pas décourager le soutien à la production pour Loïc Guines. « Il faut garder des objectifs ambitieux car c’est un laboratoire à ciel ouvert de ce que l’on va demander à l’agriculture demain. Il faut donc maintenir la pression. On ne peut pas dire aux jeunes de faire autre chose parce que le marché serait en difficulté » affirme-t-il.