Le lait bio n’a pas la cote. La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) en dresse le constat au Salon de l’agriculture : 40 % du lait n’est pas valorisé en bio et repasse sur le circuit conventionnel pour être vendu, d’après les données de Biolait. Les conséquences de ce déclassement de la production se font sentir.
« Depuis un an que la filière connaît des difficultés, la perte pour les éleveurs a été chiffrée à 70 millions d’euros », s’alarme Samuel Bulot, vice-président de la FNPL. « Théoriquement le bio est 80 à 100 € plus cher aux mille litres que le lait conventionnel, mais aujourd’hui les prix sont quasiment identiques. »
« Les éleveurs jettent l’éponge ».
Face à cette réalité, beaucoup d’agriculteurs ne peuvent plus suivre. « On assiste à un nouveau phénomène en bio, l’accélération des cessations d’activité. Elles ont atteint 3 % en 2022, alors qu’elles stagnaient habituellement en dessous de 1 % », expose Samuel Bulot. L’arrêt de l’activité lait bio peut être lié à une cessation de l’exploitation ou du seul atelier laitier, mais pas seulement. Certains éleveurs choisissent aussi de repasser en conventionnel.
« Certaines entreprises démarchent même les exploitations pour pousser à la décertification », s’inquiète Samuel Bulot. Et en parallèle, les éleveurs qui souhaitent se convertir en bio sont de plus en plus frileux.
« On va manquer de bio d’ici à 2 ou 3 ans ».
Si les volumes de production de lait bio continuent à grimper, ils devraient quand même atteindre un palier en 2023. « Avec la décertification qui s’accélère, on va manquer de bio de nouveau d’ici à 2 ou 3 ans, alors même que les volumes sont largement excédentaires aujourd’hui. On marche complètement sur la tête », estime Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. Pour lui, la filière biologique a besoin d’une vraie transition, pas d’allers-retours successifs entre « un emballement de la machine et une rupture dans la production, faute de demande. »
Pour la FNPL, les politiques sont coresponsables de la situation. « Le plan de filière mis en place en 2017 n’encadre pas les volumes de production et pousse à l’installation en bio. Tant que le lait est rémunéré à sa juste valeur ça fonctionne mais quand il n’y a plus de débouchés tout s’effondre », constate Thierry Roquefeuil. L’aide d’urgence d’un montant de 10 millions d’euros annoncée par Élisabeth Borne est « loin d’être suffisante » pour la FNPL.