La consommation de produits issus de l’agriculture biologique connaissait jusque-là des croissances à deux chiffres en supermarché, jusqu’à 23 % en 2018. Mais « on a assisté en 2021 à quelque chose d’inédit, la courbe s’est retournée », retrace Emily Mayer, experte en produits de grande consommation à l’institut IRI.

 

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Recul des ventes de 3,1 %

Par rapport à 2020, les ventes ont reculé de 3,1 % en valeur. La baisse est spectaculaire pour la farine (−18 %), le beurre (−12 %), le lait (−7 %) ou les œufs (−6 %). Les fruits et légumes frais bio sont aussi en « vrai décrochage », avec des volumes d’achats en baisse de 11 % sur un an, selon l’interprofession Interfel.

 

2020 a été atypique, avec des confinements pendant lesquels « les gens consommaient ce qu’il restait dans les rayons », dopant artificiellement le bio, mais avec 5,1 % de part de marché en 2021, « le bio stagne », souligne Emily Mayer, après des années de hausse.

 

Elle l’explique par un tassement des lancements de gammes bio, mais aussi un « frein prix indéniable » pour ces produits « en moyenne 50 % plus chers qu’en conventionnel ». Sans compter le développement d’offres plus économiques qui mettent en avant l’argument local, durable, équitable…

Taux de déconversions quasi stable…

Pour l’instant, selon l’Agence bio, le taux de « déconversions » — qui comprend les départs à la retraite — est quasi stable, à environ 4 %, soit « un peu plus de 2 200 exploitants qui ont quitté les rangs des 53 000 bio ».

 

« Ce n’est pas encore un motif d’inquiétude mais on va regarder cela comme le lait sur le feu », dit sa directrice, Laure Verdeau, à l’AFP.

… mais freinage des industriels

Cette crise de croissance intervient alors que nombre d’agriculteurs arrivent sur le marché du bio, après avoir été encouragés par des industriels… qui actionnent désormais le freinage d’urgence.

 

Le géant laitier Lactalis a dû écouler « plus de 30 % de la collecte du lait bio […] au prix du lait conventionnel » en 2021. Le groupe, qui assure avoir « porté » le coût de ce déclassement, demande aux éleveurs de « modérer les volumes » et gèle les nouveaux projets de conversion. Chez le rival Sodiaal, le lait bio est moins bien payé qu’avant et les producteurs incités financièrement à réduire la collecte.

 

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Autre exemple : dans un courrier au ministre de l’Agriculture, des organisations de producteurs de l’ouest de la France et des industriels estiment qu’il y a 1,15 million de poules bio « en excédent face aux besoins actuels du marché ». Cela représente « 14 % de l’effectif total en poules bio ».

 

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En porc, seul 1 % du cheptel national est bio. Pourtant, « on est en pleine crise de surproduction », constate Laurent Guglielmi, à la tête d’une entreprise transformant 300 porcs bio par semaine, vendus dans des enseignes spécialisées. Du fait des tensions sur le pouvoir d’achat, « on voit bien que les clients ne sont plus chez Biocoop, ils sont chez Lidl. »