Bio Plusieurs vitesses
L’agriculture bio est régie par un règlement communautaire. Les règles sont les mêmes dans toute l’Europe. Sauf dérogation, comme celle qui autorise les États scandinaves, pendant dix ans encore, à pratiquer la culture bio en bacs. Et sauf divergences dans les interprétations nationales. C’est en France le travail de l’Inao, qui traduit le règlement européen dans un guide de lecture. Il s’applique aux opérateurs français, pas aux importations. Ainsi, l’interdiction de commercialiser des légumes bio français du 21 décembre au 30 avril n’empêchera pas des tomates bio espagnoles d’arriver sur nos étals en hiver.
Mais la plus grande distorsion vient peut-être des soutiens aux producteurs. La France a plafonné les surfaces aidées. Résultat : au 30 mai 2018, elle notifiait à Bruxelles 1,12 million d’hectares soutenus au titre de la conversion ou du maintien, alors que l’Hexagone comptait déjà 1,77 Mha cultivés en bio (dont 520 000 ha en conversion). À l’inverse, d’autres pays ont prévu des enveloppes bien fournies par rapport aux surfaces engagées. D’après l’Agence bio, les montants d’aides et les conditions d’éligibilité varient beaucoup entre États. C’est en France, au Royaume-Uni, en Lettonie et en Pologne que les montants des aides au maintien sont les plus faibles (et le plus élevé en Italie).
Nitrates Une directive, diverses interprétations
La réglementation environnementale s’élabore essentiellement au niveau européen… Ce qui ne garantit pas l’uniformité. Dans le secteur laitier notamment, « une application hétérogène de la réglementation environnementale européenne ne permet pas de garantir des conditions de concurrence « libre et non faussée », conclut un rapport de l’Institut de l’élevage publié en 2017.
Pour la directive nitrate, par exemple, de nombreux curseurs sont réglés au niveau des États : calendriers et restrictions d’épandage, modalités de couverture des sols en hiver, calcul de l’équilibre de la fertilisation… La désignation des zones vulnérables est aussi à la charge des États : certains (comme l’Allemagne) ont classé 100 % de leur SAU, d’autres (comme la France) ont établi un zonage. Enfin, certains ont une dérogation au plafond d’épandage de 170 kg d’azote organique par hectare. Les Néerlandais, notamment, peuvent en épandre 230 voire 250 kg/ha, selon les zones, moyennant un surcroît de contraintes et de paperasse.
Riverains et phytos Une protection hétérogène
Bien que la version finale des textes les instaurant ne soit pas encore rendue publique, les zones de non-traitement (ZNT) autour des habitations vont être mises en place au 1er janvier 2020. Des dispositifs similaires ont été instaurés en Slovénie, en Belgique wallonne et en Allemagne.
En France, les ZNT ont été établies sur la base de l’avis de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) du 14 juin 2019. Celle-ci avait précisé que ces recommandations avaient été données « dans l’attente des modifications de l’ensemble des autorisations de mise sur le marché (AMM) en vigueur ». En effet, l’intégration de distances minimales de sécurité à respecter dans les AMM a déjà commencé dans tous les pays membres de l’UE. Ce dispositif applique les nouvelles règles du guide d’évaluation « riverains » de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments), commun à tous les pays membres de l’UE. « Si le gouvernement français va au-delà de ces références scientifiques, il y aura manifestement une distorsion », affirme Eugénia Pommaret, directrice de l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes). »