Le suivi de l’engraissement des bovins est une affaire de longue date à la ferme de Thorigné-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire. « Cette phase est associée à un certain nombre de verrous techniques », rapporte Julien Fortin, responsable de l’exploitation. Le risque d’acidose en cas d’augmentation des concentrés fermiers riches en amidon ou la variabilité de la valeur alimentaire des fourrages utilisés impliquent une gestion rigoureuse.

Performances variables

Pour y voir plus clair, les caractéristiques zootechniques de 356 femelles limousines ont été analysées durant quinze ans. Parallèlement, des essais ont été conduits en lots, pour comparer différents régimes alimentaires. « Les mises en lots ont été réalisées en fonction de l’âge, du poids, de l’état corporel et, dans la mesure du possible, des potentiels génétiques », ajoute l’expert.

« La grande diversité des caractéristiques initiales des femelles a conduit à des réponses zootechniques très variables intra et inter-essais », constate Julien Fortin. Pour une croissance moyenne de 878 g/j, l’écart type était de 354 g/j, signe d’une large fluctuation selon les individus. Néanmoins, de grandes tendances se dégagent. Par exemple, « la note d’état corporelle (NEC) a une incidence majeure sur la durée de finition : les vaches très maigres (NEC = 1,4) nécessitent en moyenne 60 jours d’engraissement supplémentaires par rapport à celles en état moyen (NEC = 2,4) », note Julien Fortin. Autre élément, sur les vaches abattues à plus de 6 ans, le rendement est plus faible. Quant à celles de plus de 8 ans, elles sont moins bien classées.

L’âge des vaches joue aussi sur leur prise de poids. Pour une durée d’engraissement de 135 jours avant abattage, « le gain journalier de carcasse sur les femelles de plus de 6 ans est de 340 g/j, contre 400 g/j en moyenne. « Si la reprise de poids chute en finition, les vaches plus âgées semblent décrocher de façon plus marquée. En mettant en perspective leur gain de poids par rapport aux coûts alimentaires, le bilan économique est négatif (- 0,71 €/j) », analyse Bertrand Daveau, ingénieur à Thorigné-d’Anjou.

Les derniers kilos
coûtent cher à produire

Concernant l’incidence du régime alimentaire sur les performances des animaux, l’hétérogénéité des résultats ne permet pas de tirer de conclusions évidentes. Pour autant, trois régimes ont donné satisfaction dans le cadre d’un pré-engraissement à l’herbe et d’une finition à l’auge. L’enrubannage de prairies à flore variée, avec une récolte précoce de fourrages ingestibles à densité énergétique élevée (0,85 UFV/kg de MS ingérée), permet de se passer d’un concentré azoté. Le régime à base d’ensilage de prairies à flore variée et de foin est jugé efficace, à condition que les fourrages récoltés soient de bonne qualité. Les régimes à base de 6 kg de MS d’ensilages d’associations céréales-protéagineux ou de maïs se valent également, si un complément de foin est distribué. « L’objectif est d’aller chercher une valeur énergétique maximale dans les fourrages. Concernant les apports azotés, tendre vers un équilibre de 100 g PDI/UF permet de sécuriser la phase d’engraissement », souligne l’expert.

Malgré une alimentation dosée au plus près des besoins des vaches en finition, la marge sur coût alimentaire ne s’est améliorée que de 45 € en quinze ans. Les derniers kilos, qui coûtent cher à produire, suscitent des interrogations. Pour aller plus loin dans son analyse, la ferme s’est équipée d’auges peseuses depuis 2017. « Ce dispositif permettra de quantifier l’efficacité alimentaire individuelle des animaux », fait savoir Julien Fortin. La ferme expérimentale travaille actuellement sur la conduite de deux lots de 15 vaches abattues à une NEC de 2,5 et de 3, respectivement. L’objectif est de mesurer l’incidence d’une NEC basse sur les qualités organoleptiques de la viande. Les résultats sont attendus en 2021.