Que peut faire une femme dans une exploitation agricole, à part la traite et la comptabilité ? C’est un cliché, mais quand Alice Courouble s’est installée en 2016, on lui a demandé comment elle s’occuperait dans un Gaec spécialisé en viande et où son associé fait la comptabilité. Réponse : elle fait un peu de tout, comme ses deux associés hommes, même si chacun a ses domaines de prédilection.

Ne « pas tomber dans le biais inverse »

« Il ne faudrait pas tomber dans le biais inverse en se forçant à ne faire que des tâches réputées masculines », souligne celle que des clients persistent à prendre pour « la femme de l’agriculteur », alors qu’elle est cheffe d’exploitation et que son mari travaille à l’extérieur. Ce 13 juin 2025, Alice Courouble accueille sur le Gaec à Ambronay dans l’Ain, un café-installation dédié à la place de la femme agricultrice, organisé par l’Addear (1) et ses partenaires. Une quinzaine de participants, dont deux hommes, sont venus.

Chaque jour de marché, Anne (2) bataille avec ses voisins hommes pour défendre son emplacement et supporte leurs blagues sexistes. Valérie, dans les réunions professionnelles, devait faire introduire ses prises de parole par un collègue masculin, même sur les sujets dont elle était référente. Marie a fait des malaises lors de travaux agricoles, pliée en deux par la douleur des règles quand elle ne pouvait pas poser un jour de congé. Chantal s’inquiète pour une élève de BPREA (3), et lui a recommandé de ne jamais se trouver seule avec son maître de stage.

Incompréhension

Insécurité, mépris, incompréhension et sentiment d’illégitimité sont trop souvent le lot des femmes en agriculture. « La plupart du temps, les hommes n’ont pas l’impression d’être agressifs, mais ça peut être violent à vivre », souligne Alice Courouble. « Nous devons continuer à faire évoluer les mentalités », insiste Cléa Carmillet, animatrice de l’Addear de l’Ain.

Heureusement, les choses bougent aussi. « Avec mes futurs associés, tout est fait pour répartir équitablement les tâches, se former et monter en compétences, qu’on soit homme ou femme », partage Béatrice, en stage d’installation dans une ferme collective dont la responsable mécanisation est une femme. À la fin de la journée, beaucoup de participantes repartent plus légères. Moins seules, en tout cas.

(1) Association départementale pour le développement de l’emploi agricole et rural, proche de la Confédération paysanne (2) Pour préserver leur identité, les prénoms des participantes ont été modifiés (3) Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole.