«Quand j’ai reçu, le 18 mars dernier, le SMS du sénateur Henri Cabanel m’indiquant que son rapport avait été validé au Sénat, j’étais émue. On peut écrire des livres sur le suicide, mais seules les décisions politiques comptent », avance Camille Beaurain, auditionnée dans le cadre du groupe de travail sur les agriculteurs en situation de détresse.

 

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Veuve à 24 ans, la jeune femme se bat pour lutter contre ce fléau depuis que son mari s’est donné la mort. « J’ai rencontré mon époux à l’âge de 15 ans, lui avait 22 ans. Je suis tombée amoureuse de l’homme et de son métier », raconte celle qui a rapidement travaillé aux côtés de son compagnon dans l’élevage porcin près d’Abbeville (Somme).

 

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Apporter à son tour de l’aide

D’origine citadine, Camille découvre la rudesse du monde agricole, mais aussi la vie en vase clos. Elle voit son mari - déjà tourmenté par son histoire familiale - sombrer dans la dépression. Devenue conjointe collaboratrice, la jeune femme se démène pour faire tourner l’élevage malgré la menace de la faillite. Elle garde des enfants en parallèle, mais cela ne suffira pas à améliorer la situation économique. Un incident sanitaire sonnera la fin des cochons et conduira son époux à ce geste fatal.

 

« Nous n’étions pas assez préparés à ce métier. Être agriculteur demande beaucoup d’énergie, mais à quoi bon se battre si on ne nous protège pas. Le consommateur qui achète le kilo de porc à 10 euros ne peut imaginer qu’à peine un euro nous revient. Quand les négociateurs signent des accords commerciaux, songent-ils un instant aux éleveurs qui crèvent dans nos campagnes ? », observe-t-elle.

Afin d’alerter l’opinion sur le suicide paysan, l’agricultrice a choisi d’écrire (lire l’encadré). « La ferme m’a endurcie », constate Camille, qui a dû faire face à quatre procès pour exploiter prochainement les terres de l’exploitation en son nom propre. Après avoir plongé en 2019 et même pensé mettre fin à ses jours, la jeune femme s’est peu à peu reconstruite. « J’ai eu la chance de rencontrer de bonnes personnes. »

 

Aujourd’hui, elle poursuit son métier d’assistante maternelle et a rejoint les rangs de l’association Solidarité Paysans pour aider des agriculteurs en détresse. « Je leur partage mon expérience pour éviter que du sang ne coule encore. On compte toujours autant de suicides en agriculture depuis le début de l’année. La prise de conscience est urgente », souligne-t-elle, des larmes plein les yeux.

Catherine Yverneau