Le 6 mars 2022 s’est tenu la réunion mensuelle du conseil spécialisé des grandes cultures de FranceAgriMer. Depuis février, la guerre en Ukraine a « complètement rebattu les cartes » du marché des céréales, a estimé Benoît Piètrement, président du conseil, lors de la conférence de presse qui a suivi.
Bouleversements logistiques
De nombreux bilans céréaliers ne sont plus d’actualité, tant la situation a évolué depuis le début de l’offensive russe le 24 février 2022. L’activité des ports ukrainiens est en effet à l’arrêt, et bouleverse totalement les échanges. Pour les importateurs, la question n’est plus le prix des marchandises, mais celle de leur disponibilité.
Le pays est disposé à organiser un contournement logistique par le train, avec un potentiel de 19 000 tonnes de grains par jour. « C’est peu par rapport aux volumes qu’il reste à exporter, de l’ordre de 10 % de ce qu’il faudrait », commente Marc Zribi, chef de l’unité des grains et du sucre de FranceAgriMer.
Du côté de la Russie, FranceAgriMer explique que les terminaux russes dans la zone de la mer Noire sont opérationnels, mais que les propriétaires de navires sont réticents à les mobiliser dans la région.
> À lire aussi : Les conséquences de la guerre en Ukraine pour notre agriculture (04/03/2022)
Stocks français de blé tendre inférieurs à 3 Mt
Pour compenser en partie les volumes, les importateurs se tournent vers de nouvelles origines, notamment la France. FranceAgriMer a ainsi relevé de 50 000 tonnes ses prévisions d’exportation de blé tendre français vers l’Union européenne, à 7,81 millions de tonnes.
Mais « ce sont les exportations vers les pays tiers qui progressent le plus », souligne Marc Zribi. Ce poste enregistre une hausse de 800 000 tonnes sur un mois, à 9,70 millions de tonnes.
L’estimation de FranceAgriMer concernant les stocks de blé tendre en fin de campagne baisse de 617 000 tonnes, passant ainsi sous la barre des 3 millions de tonnes (2,96 Mt).
Maïs : compenser les volumes
Le bilan français du maïs évolue également de manière notable. L’estimation d’exportation de maïs français vers les pays de l’Union européenne augmente de 220 000 tonnes par rapport à celle de février, à 5,05 millions de tonnes.
L’Ukraine exporte en effet habituellement des volumes de maïs importants vers l’Union européenne, et principalement vers l’Espagne (1,4 million de tonnes en 2020-2021), les Pays Bas (1,3 million de tonnes) et l’Italie (434 000 tonnes). Pour la campagne d’exportation en cours, il reste à l’Ukraine 14,6 millions de tonnes de maïs à exporter.
FranceAgriMer estime par ailleurs que les exportations françaises vers les pays tiers atteindront 550 000 tonnes, soit 20 000 tonnes de plus que lors de la dernière estimation.
Tout comme en blé, les stocks français de maïs sont revus en baisse, à 1,97 million de tonnes (–65 000 tonnes par rapport aux estimations de février). FranceAgriMer souligne que tous ces éléments sont susceptibles d’évoluer rapidement, la situation étant très instable.
Quel impact sur les récoltes de 2022 ?
La guerre impacte les exportations de la récolte de 2021, mais elle perturbera vraisemblablement la production de 2022. À ce stade, FranceAgriMer dispose de très peu d’éléments sur les surfaces agricoles ukrainiennes concernées par les opérations militaires, les potentielles pénuries de main-d’œuvre, de carburants ou encore d’intrants. De nombreuses incertitudes pèsent sur les conditions de semis de printemps, qui doivent se dérouler en mars et avril.
Avant l’offensive russe, le 17 février 2021, l’agence ukrainienne Ukragroconsult prévoyait une production ukrainienne de 28,3 millions de tonnes de blé en 2022 (dont 20 millions de tonnes auraient été exportées), 39 millions de tonnes de maïs (32,5 millions de tonnes exportées), et 8,4 millions de tonnes d’orge (4,8 millions de tonnes exportées). Ces chiffres devraient être fortement révisés.
À l’international, la flambée des prix du gaz inquiète également, pouvant impacter le prix et la disponibilité des engrais azotés. Benoît Piètrement a insisté sur la nécessité de produire en France et à l’échelle mondiale pour éviter des crises humanitaires dans les pays dépendants des importations.
> À lire aussi : La Russie recommande de suspendre ses exportations d’engrais (07/03/2022)