Souvent caricaturale, parfois franchement erronée, la vision que certains professeurs diffusent de l’agriculture française suscite la grogne sur les réseaux sociaux. Et pas seulement chez les agriculteurs, mais bien chez tous les professionnels du secteur.
He bien ca n’a pas loupé
— Yann Duroc (@DurocYann) April 4, 2019
Ca sent le signalement @EducationFrance
@cduroc @alexcarre49 @MichaelMickha @agritof80 @PjBartho @Matadon_ https://t.co/5SqGBW1N1r pic.twitter.com/gIPRQfLw0J
C’est ainsi que Yann Duroc, chercheur et agronome, a eu la surprise de découvrir le dernier contrôle de sa fille, élève de sixième. Le professeur invitait ses élèves à réagir sur un dessin d’homme maladif déclarant manger, au travers des fruits et légumes frais, cinq herbicides et pesticides par jour. Question du professeur : « De quel type d’agriculture proviennent les produits que mange le personnage ? Dans quels pays est-elle pratiquée ? »
Une caricature d’enseignement
Yann et sa femme Céline, tous deux professionnels du secteur agricole, n’ont pas apprécié ce contrôle, et l’ont donc dénoncé sur les réseaux sociaux. Selon Yann, cette évaluation est caricaturale. « Je trouve que ça stigmatise les méthodes production et ça ne permet pas aux enfants d’appréhender la complexité de l’agriculture. Ce type de raccourci est néfaste pour les futurs citoyens qu’ils vont devenir. »
Le problème, selon Yann, ne viendrait cependant pas du programme, mais bien de la manière dont il est appliqué. « J’ai regardé comment était fait le manuel, je l’ai trouvé plutôt équilibré. Ce qui est dur, c’est le discours personnalisé de ces professeurs », estime Yann.
Numero 2 revient du college « on a étudié la production de soja au Brésil »
— Yann Duroc (@DurocYann) March 12, 2019
Moi « ah ? »
No2 « mon prof a dit que les pesticides sont mauvais parce qu’ils sont chimiques ! C’est vrai ?»
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On a repris les bases avec notamment un exemple d’actualité (Datura)#fatigue
Ce n’est pas la première fois que le chercheur dénonce la manière dont l’agriculture est présentée à sa fille. « Il y a quelques semaines, elle a eu un cours sur l’agriculture intensive au Brésil, et les mots employés étaient tous dans l’excès. » Yann prendra donc prochainement rendez-vous avec le professeur, espérant lui présenter un autre visage de la production agricole.
Comment répondre ?
Yann et sa femme ont pris le temps de rappeler à leur fille la qualité des productions française, et la rigueur des contrôles sanitaires, mais l’adolescente a dû tout de même rédiger son devoir dans le sens suggéré par le professeur. « Il ne faut pas se mettre en danger vis-à-vis de la note », reconnaît Yann.
Alexandre Carré, chargé de la communication au Gnis, a bien une idée de la manière de répondre à une telle interrogation, et il a donc publié, en réponse au message de Yann, sa propre version de la dissertation. « Bien que le personnage évoque la présence éventuelle des traces de pesticides et de fongicides, cette seule information ne me permet pas d’établir selon quel cahier des charges ces fruits et légumes ont été produits », écrit-il en introduction.
Voici ma réponse à l'exercice proposé.
— Alexandre Carré (@alexcarre49) April 4, 2019
Pourras tu la soumettre à cet enseignant afin que je puisse évaluer l'état de mes connaissances stp ?
J'espère que j'aurai une bonne note... pic.twitter.com/blHAu5IWgq
On pourrait être d’ailleurs être surpris que les questions de techniques de production soient abordées dans le cursus de géographie. « Les élèves étudient en cours de biologie la germination, la structure des fleurs, et ces enseignements mériteraient de faire l’objet d’un pont avec la géographie pour aborder les sujets agricoles », ajoute Yann Duroc. Et pour les élèves urbains, des immersions dans les exploitations, ou des échanges avec des agriculteurs, ne seraient sans doute pas non plus inutiles.
Ce que disent les programmes
C’est en classe de 5e que l’agriculture intègre officiellement le programme de géographie. L’alimentation reste la véritable porte d’entrée, puisque le but de l’enseignement est de montrer, « les enjeux liés à la recherche de nouvelles formes de développement économique […], sans compromettre l’écosystème et sans surexploitation des ressources ». Autrement dit, d’étudier le lien entre démographie et gestion durable des ressources.

Ce lien, le ministère propose de l’étudier au travers des Philippines, le Vietnam, ou l’Inde. Les élèves devront analyser les réussites des transformations des techniques agricoles, telles que « les victoires contre les famines, amélioration du niveau de vie des agriculteurs…», mais en observer également « les limites (disparités régionales, inégalités sociales, dépendance à l’égard de grandes firmes, consommation en eau, importance des engrais et pesticides, problèmes environnementaux…) ».

L’objectivité recherchée par le programme semble cependant dure à atteindre sur le terrain. Le manuel de l’éditeur Nathan, par exemple, propose dans le cadre de cette séquence, de se pencher sur un article du monde, rédigé par Sorren Seelow et intitulé « Monsanto, un demi-siècle de scandale sanitaire ». Et de proposer un exercice simple. « Vous voulez convaincre un agriculteur voisin de renoncer à l’emploi du Round-up. Rédigez un paragraphe dans lequel vous exposerez au moins trois arguments. »