Cela fait déjà près d’un mois que l’abattoir de Challans a fermé ses portes, entraînant la coopérative Covia dans sa chute. Les salariés ont été mis en congés forcés, et les éleveurs de la Vendée et de la Loire-Atlantique, qui envoyaient leurs bêtes à Challans, ont dû se tourner vers d’autres sites.
L’avis du tribunal de commerce de Poitiers, le 15 janvier 2019, a rendu les choses officielles : les quatre sociétés de l’abattoir sont désormais en liquidation judiciaire, et attendent un nouveau repreneur. Les dossiers de reprises peuvent être déposés jusqu’au 28 janvier prochain, et le tribunal communiquera le nom du nouveau propriétaire le 1er février. Un grossiste basé à Châtellerault aurait cependant déjà signalé son intérêt.
Chronique d’une fin opaque
Au début de l’été 2018, à l’occasion d’une assemblée générale, les éleveurs sont informés des difficultés de la Covia. « Les activités de transformations avaient entraîné un déficit en 2017, et la direction départementale de protection des populations (DDPP, ou services sanitaires) souhaitait fermer l’abattoir », raconte François Vrignaud, l’un des adhérents.
Suite à une proposition d’achat de la part d’un grand groupe, la DDPP accepte alors d’accorder un sursis à Challans. Jusqu’à l’automne, les discussions se poursuivent entre la Covia, la DDPP et les potentiels acheteurs. Les éleveurs, tenus à l’écart de ces discussions, reçoivent chaque jour des informations différentes. « Et puis, en novembre, les choses se sont précipitées », déplore François Vrignaud.
Coup de grâce au bilan de la Covia, l’abattage rituel est fermé sur ordre de la DDPP le 15 novembre. Le 29 novembre, enfin, les directeurs de la Covia convoquent les éleveurs. « Ils nous ont expliqué qu’ils étaient pressés de toute part, et qu’ils jetaient l’éponge. » À partir du 3 décembre, plus aucune nouvelle bête n’est acceptée sur le site, et dès le 7, la Covia tire sa révérence.
Éleveurs soudés
Ancienne adhérente de la Covia, Natasha Guillemet attend encore le paiement de deux bêtes et demie, pour environ 8 000 €. À la tête d’un troupeau de 170 mères, en Gaec avec son mari, elle souhaite continuer à travailler avec l’abattoir de Challans. « C’était une boîte conviviale, se rappelle-t-elle. Et comme on est des petits éleveurs, les relations humaines, ça nous parle. »
Conserver un outil de proximité et de taille limitée, voilà l’objectif que les éleveurs partagent, tous syndicats confondus, et qui les a conduits à se regrouper. « En ce moment, explique Guilain Pageot, membre de ce collectif, il n’y a pas deux jours qui passent sans qu’on ne se voit. » Le collectif a d’ailleurs prouvé sa détermination le 11 janvier dernier, à l’occasion d’une manifestation devant l’abattoir. « C’est important de montrer l’enjeu, tempère Natasha, mais nous éleveurs, n’avons aucun moyen financier. »
Le temps presse pourtant, surtout pour ceux qui ne parviennent pas à trouver d’autres sites pour leurs bêtes. « Les besoins quotidiens des certains éleveurs, dont les animaux sont refusés à La Roche-sur-Yon ou à la Châtaigneraie, ne sont plus couverts. Il y a urgence ! », interpelle François Vrignaud.
L’origine des maux
Face à la mobilisation des éleveurs, et à la confiance qu’ils affichent dans leur ancienne coopérative, difficile de comprendre comment Challans a pu se retrouver dans de telles difficultés. « Il y avait des mésententes entre la Covia et une autre entreprise actionnaire du site de transformation », confie l’un des éleveurs souhaitant demeurer anonyme.
Des conflits qui sont allés jusqu’au procès. Or la Covia, qui avait racheté l’abattoir en 2010 en puisant dans ses fonds propres, était dans une situation vulnérable. Prise entre les conflits avec les transformateurs et ses propres enjeux financiers, la coopérative aurait ainsi été empêchée de répondre aux exigences sanitaires avec suffisamment de réactivité. Un retard, qui, dans un contexte de débat accru autour de la question du bien-être animal, « a agacé les autorités ».
Les producteurs organiseront la semaine prochaine une réunion publique, afin de présenter les enjeux de l’abattoir au plus grand nombre, et d’exprimer les contraintes qui sont les leurs. Ils espèrent pouvoir échanger au plus vite avec tous les repreneurs potentiels, avec un seul espoir : « conserver un outil local au service des éleveurs ».