«Pour la première fois, en 2003, de nombreux maïsiculteurs ont expérimenté des stratégies sans atrazine à grande échelle. Ils sont partis de leur programme habituel tout en le sécurisant», souligne Jean-Paul Renoux, responsable du maïs à Arvalis.
Identifier la flore adventice très tôt
«Les stratégies perdantes sont celles du passage unique, en pré ou en post. Sans atrazine, la succession prélevée puis postlevée apparaît comme la plus sécurisante et la plus robuste. Elle assure un contrôle des graminées dès leur émergence. La postlevée permet de tirer à vue sur les dicots et de gérer d'éventuelles levées tardives de graminées», précise Valérie Bibard, d'Arvalis. Là où la pression de l'atrazine a diminué depuis plusieurs années, on note une diversification de la flore. Auparavant détruites par l'atrazine, la mercuriale annuelle, la renouée liseron et la renouée des oiseaux sont présentes presque partout. Des spécificités régionales apparaissent, le datura, la lampourde (xanthium) ou l'abutilon dans le Sud-Ouest, l'ambroisie dans le Sud-Est ou l'arroche et le pâturin en Bretagne. Sont toujours présentes les graminées estivales ou des dicotylédones comme les chénopodes. A signaler une progression des vivaces.
Désherber en un seul passage devient souvent impossible face à une flore de plus en plus complexe, surtout en dicotylédones, et avec des levées échelonnées. «Ces mauvaises herbes, il faut être capable de les identifier très tôt, et adapter le désherbage à la parcelle», prévient Jean-Paul Renoux. La possibilité d'associer les herbicides, dans le cadre des mélanges autorisés (voir l'encadré), permet de couvrir des spectres d'efficacité plus larges, et d'adapter la dose de chaque spécialité à la nature et au stade des adventices présentes.
Le choix d'un ou des produits racinaires se fera selon la flore attendue de graminées et de dicotylédones. Mais, sans atrazine, ces herbicides sont plus dépendants des conditions climatiques. «Pour une bonne efficacité, l'humidité du sol doit être suffisante. Il faut traiter le plus tôt possible après le semis et privilégier un lit de semences peu motteux, mais pas trop fin pour éviter la battance», précise Valérie Bibard.
Le rattrapage en postlevée devra être calé sur le stade des plantes les plus difficiles à détruire, en particulier les dicots. Il est impératif d'intervenir sur des plantes très jeunes, 2 à 4 feuilles, avec une hygrométrie d'au moins 70% et des températures entre 10 et 25°C dans les 48 heures suivant l'application.
Mélanges réglementésLes 62 mélanges autorisés au 2 janvier 2004 sur maïs et maïs semence contiennent tous un antigraminées et un antidicotylédones. Pour chaque herbicide, sont précisées les doses maximales autorisées et les doses d'emploi préconisées en fonction de la flore dominante. «Ces associations couvrent près de 70% des usages. Les autres dossiers déposés sont en souffrance. Nous espérons qu'ils seront validés avant la prochaine campagne», précise Jean-Paul Renoux. Car tout retard dans la procédure d'autorisation est préjudiciable à la mise au point de stratégies raisonnées de désherbage. Un mélange non autorisé devient interdit. Avant de traiter, vérifiez que votre association est «légale» auprès de votre distributeur, ou de la Protection des végétaux, ou d'Arvalis (rubrique «mélanges des produits phytosanitaires»). |
Nord-Ouest: plutôt deux passagesLa flore est souvent mixte, avec une majorité de dicots très variées. Mais sans atrazine, apparaissent des plantes plus problématiques, renouées, arroche, mercuriale, crucifères, pâturin, ray-grass et graminées estivales. Face à un potentiel d'infestation important (rotation courte de type blé-maïs, semis précoce), avec présence de dicotylédones et de graminées estivales, la prélevée avec un antigraminées (métolachlore, acétochlore, alachlore, Dmta) suivie d'une postlevée adaptée à la flore constitue une valeur sûre : par exemple, Lasso EC ou Isard ou Wing ou Trophée suivi de Callisto ou Mikado ou d'un produit à base de bromoxynil. Avec un potentiel d'infestation moyen, en présence de dicots variées, avec pas ou peu de graminées estivales, sans vivaces, on peut désherber tout en postlevée sur la base de deux passages avec un mélange type Milagro-Callisto, Milagro-Mikado, Equip-Mikado. Dans le cas de maïs assolés, semis tardifs, sans adventices difficiles, des solutions plus simples seront suffisantes : un passage unique en prélevée, par exemple Trophée ou Isard ou Wing selon la flore, ou une intervention unique en postlevée avec Milagro-Callisto ou Milagro-Mikado ou Equip-Mikado. Le désherbage mixte (traitement chimique puis binage) peut aussi être envisagé. |
Lorraine: Postlevée simple ou pré + postJusqu'à présent, la flore comprenait surtout des dicots résistantes à l'atrazine. Nous n'avons pas de graminées estivales. 500 g d'atrazine en pré et un rattrapage avec Mikado+500 g d'atrazine suffisaient à maîtriser les mauvaises herbes. Vu l'évolution de la flore dans les essais Arvalis sans atrazine et l'apparition d'adventices plus difficiles à contrôler comme la renouée des oiseaux, l'arroche, la mercuriale, le pâturin, un simple passage en postlevée ne suffira pas forcément. Cette stratégie sera satisfaisante face à une flore classique, par exemple chénopode, amarante, matricaire, mouron, véronique, géranium : l'association Callisto-Equip est la plus performante, devant Mikado-Milagro. Avec des adventices plus problématiques, le tir doit être réajusté en ajoutant une intervention en pré. Soit avec un antigraminées comme Lagon ou Prowl 400 si l'on a de la renouée des oiseaux ou de l'arroche, soit avec Diplôme face à de la mercuriale ou du pâturin. Cette prélevée ne doit pas être allégée, sinon le coût final du désherbage risque d'être plus élevé. La postlevée se fera avec Eclat. C'est aujourd'hui l'antidicots le plus performant sur ces adventices. |
Centre-Ouest: Viser la sécuritéSur les parcelles n'ayant pas reçu d'atrazine en 2003, le passage unique en prélevée ou en postlevée a montré ses faiblesses, par manque de persistance ou par la difficulté de placer le traitement au moment optimal. Doivent être privilégiées les stratégies à double passage, pré + post ou deux interventions en post. En pré + post, le ou les produits de prélevée seront sélectionnés en fonction de la pression de graminées de l'année précédente tout en tenant compte du spectre antidicotylédones. Le rattrapage diffèrera selon la flore. Sur dicotylédones classiques, les herbicides à base de bromoxynil phénol seront suffisants. Face à des dicotylédones plus difficiles comme la renouée des oiseaux ou la mercuriale, on optera pour l'Eclat. Dans le cas de relevées de dicots et de graminées, l'association Callisto-Milagro sera privilégiée. La postlevée en deux passages est envisageable, mais plus délicate à réussir. Les passages devront être calés sur les dicotylédones à problème, avec une première intervention précoce. L'association Callisto-Milagro offre un résultat satisfaisant. |
Sud-Est: Prélevée puis rattrapageSur les parcelles traitées sans atrazine en 2003 (50 % des surfaces), les producteurs ont souvent opté pour une prélevée stricte, composée d'un antigraminées associé à Lagon ou Acajou. Quelques-uns ont traité en postlevée, sur la base de un ou deux passages avec une sulfonylurée comme Milagro et une tricétone comme Mikado ou Callisto. Les autres ont réalisé une intervention en pré avec un antigraminées et un rattrapage avec un antidicots. Si dans l'ensemble, les résultats ont été corrects, il ressort des essais Arvalis que la stratégie de prélevée stricte s'est révélée un peu en retrait, comparée aux deux autres sur le plan de l'efficacité. Il n'y a pas toujours eu suffisamment de pluie pour que les herbicides de prélevée fonctionnent correctement. A l'avenir, mieux vaut jouer la sécurité. Si la flore est majoritairement composée de graminées, nous préconisons un antigraminées en pré suivi d'un rattrapage avec un herbicide adapté aux mauvaises herbes présentes. Cette solution se révèle souvent plus performante et plus économique qu'une prélevée stricte avec un antigraminées + Lagon ou Acajou ou un produit complet comme Wing, Beloga ou Indiana. Face à une dominante de dicotylédones, la postlevée en deux passages est envisageable, à condition de savoir reconnaître les adventices très jeunes et de pouvoir respecter les différentes conditions d'application des herbicides. |
Sud-Ouest: Privilégier la pré + postEntre 30 et 40 % des surfaces n'ont pas reçu d'atrazine en 2003. Les producteurs y ont continué la prélevée avec un antigraminées type Lasso ou Harness ou Dual Gold seul ou avec un antidicots, Lagon ou Acajou. Ils ont pu compléter en postlevée par Cambio ou Banvel 4S pour contrer le liseron des haies. La prélevée stricte n'a pas bien fonctionné, d'autant plus qu'on s'éloignait de la façade atlantique, en raison d'une sécheresse plus marquée. Sans atrazine, cette météo exceptionnelle a été plus pénalisante. Résultat, d'importantes relevées de graminées. Face à une flore classique (panic ou sétaire ou digitaire en graminées, chénopode blanc ou morelle ou renouée persicaire en dicots), Arvalis estime qu'un traitement de prélevée seul comme cité précédemment pourra se concevoir d'autant plus qu'on est proche de la façade atlantique. En conditions plus sèches ou face à une flore plus complexe (datura ou lampourde ou abutilon ou mercuriale annuelle ou renouée liseron en plus de la flore ordinaire), la prélevée axée sur les graminées estivales (avec du métolachlore, acétochlore, alachlore) sera suivie d'un rattrapage avec l'herbicide ou le mélange efficace sur les adventices présentes. Quant à la postlevée seule, sans doute plus intéressante économiquement, elle suppose une bonne connaissance des adventices et elle n'est pas toujours réalisable ici. |