Un tiers de la population française vit dans des bassins de vie ruraux. Ces 20,5 millions d’habitants se répartissent à peu près à parts égales entre les bassins de vie ruraux périurbains et les bassins de vie éloignés des centres urbains. C’est un des chiffres qu’on peut trouver dans la nouvelle étude réactualisée sur le zonage de la France en bassins de vie que l’Institut national de la statistique (Insee) vient de publier. La précédente étude datait de 2012.
La France compte 1707 bassins de vie. 1256 d’entre eux sont classés « ruraux », y compris ceux en périurbanité. Le bassin de vie est défini comme le plus petit territoire où les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. Au-delà de la question de la densité de population, c’est surtout dans la disponibilité des équipements et de services de la vie quotidienne que se fait la différence entre les bassins de vie ruraux et les autres.
Artisans, médecins, écoles…
Contre toute attente, le taux d’équipements de proximité est plus élevé dans les bassins de vie ruraux non périurbains. Quand on parle d’équipements de proximité, on pense aux artisans de bouche, aux médecins généralistes, aux écoles, aux coiffeurs, à la pharmacie, etc. Dans ces zones, ils s’élèvent à 26,9 équipements pour mille habitants alors qu’il est de 25,1 en moyenne. À l’inverse, ce sont les bassins de vie périurbains qui présentent le plus bas taux d’équipements.
Plusieurs facteurs expliquent de tels écarts. En premier, l’examen de la carte montre que les bassins de vie ruraux sont beaucoup mieux équipés dans le sud de la France que dans le centre ou la moitié nord. Par exemple, le bassin rural non périurbain de Saint-André-les-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence) présente un taux d’équipements de 69,8 pour mille habitants alors que Mayenne, pourtant sous-préfecture, ne présente qu’un taux de 27,2. C’est la présence d’une forte activité touristique qui explique un tel écart.
Pour reprendre l’exemple, il faut savoir que Saint-André-les-Alpes est une terre courue des amateurs de parapente. D’une façon générale, la grande majorité des bassins touristiques se situant dans le milieu rural, disposent de plus d’équipements touristiques de proximité que la moyenne. Par exemple, les bassins de vie à forte orientation touristique comptent une supérette pour mille habitants alors que la moyenne est à 0,6 dans les bassins non touristiques.
Les autres explications tiennent à la nature des zones rurales périurbaines. Comme leur nom l’indique, elles se situent à proximité des villes, plus ou moins denses mais assez souvent bien équipées en services de proximité et en équipements de gamme intermédiaire (forces de l’ordre, banques, collèges, supermarchés, piscines, etc.), réduisant le besoin des zones périurbaines. De plus, la forte croissance de la population dans les territoires périurbains depuis une quinzaine d’années peut se traduire par un décalage dans l’implantation des équipements.
Des spécialistes lointains
Mais d’où vient alors ce sentiment d’être éloigné de tout quand on est en zone rurale ? En premier, c’est un fait : les équipements de gamme supérieure (maternité, hypermarché, médecin spécialisé, agence Pôle Emploi…) ne se trouvent pas en zone rurale. En proportion, trois fois moins de bassins de vie ruraux qu’urbains de densité intermédiaire disposent de gynécologues, de dermatologues ou de psychiatres dans leur périmètre, quatre fois moins pour les pneumologues ou les pédiatres. C’est aussi le cas des centres de formation des apprentis (CFA), à l’exception notable du secteur agricole qui joue pleinement son rôle en zone rurale.
« En milieu rural, la voiture reste utilisée dans plus de 80 % des déplacements du quotidien », souligne le sénateur Olivier Jacquin
Donc, on ne trouve pas le spécialiste quand on en a besoin, mais, en plus, quand on en dégote un, il est loin. Les écarts de temps d’accès suivent de près la densité des bassins de vie. 30 % des résidents des bassins de vie ruraux sont situés à plus de 21 minutes en voiture de ces équipements, contre 10 % pour l’ensemble de la population et seulement 3 % dans les bassins urbains de densité intermédiaire. Des écarts, différents, mais dans la même tendance, s’observent pour les autres types d’équipements, toujours au détriment des zones rurales non périurbaines.
Des temps d’accès hétérogènes
À l’intérieur des zones rurales, les temps d’accès aux services et équipements sont hétérogènes. Ce sont surtout les bassins de vie très peu denses, dans les montagnes du Massif central, de certains endroits des Alpes ou encore la Corse-du-Sud, qui en font les frais. Autant que les déficits d’équipements, la question des déplacements et de l’accessibilité est au cœur des enjeux de ces territoires.
Déjà en 2021, le sénateur de la Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacquin, lui-même agriculteur, observait dans un rapport que « la dépendance à la voiture est un phénomène qui commence dès que l’on s’éloigne un peu des cœurs d’agglomération. En milieu rural, la voiture reste utilisée dans plus de 80 % des déplacements du quotidien et la situation n’a pas tellement évolué depuis une décennie. » Il ajoutait qu’il ne lui semblait pas insurmontable d’adopter une mobilité plus diversifiée dans les campagnes à condition d’adopter des solutions nouvelles de déplacements.