«Cela faisait un moment que l’idée me trottait dans la tête mais je n’avais pas les connaissances nécessaires. » Modeste, Guillaume Gangnolle revit la genèse de son incroyable bricolage à la ferme qui l’a conduit à transformer son Valtra T150 de 2004 en tracteur autonome, capable de travailler seul dans une parcelle. Aujourd’hui âgé de 33 ans, cet agriculteur s’installe d’abord avec ses parents à Châtillon-sur-Loire, dans le Loiret, avant de reprendre seul les 200 ha et les 30 mères charolaises l’an dernier.

Autodidacte, c’est le soir, et pendant ses temps morts, qu’il apprend l’électronique et s’initie au codage.

« J’ai commencé par des choses simples pour me faire la main en construisant un capteur d’humidité, un dispositif pour moduler la dose de semis ou encore un système de réglage automatique de la hauteur de ma coupe à céréales, se souvient Guillaume. Puis je me suis penché sur le Valtra T 150 en lui développant un système de mémorisation des séquences en bout de champ. Enfin, en 2017, j’ai décidé de le rendre autonome. »

Des éléments à 8 euros

Guillaume ne se facilite pas la tâche puisqu’il opte pour des microcontrôleurs, la solution la plus rudimentaire. Un microcontrôleur est un circuit intégré qui rassemble les éléments essentiels d’un ordinateur : processeur, mémoires, unités périphériques et interfaces d’entrées-sorties. Il ne coûte que 8 euros mais sa programmation (assembleur et micro-Pascal) est plus compliquée que sur un Arduino ou un Raspberry Pi, les circuits habituellement utilisés pour les constructions à la ferme.

Au total, il utilise cinq microcontrôleurs pour robotiser son tracteur et consacre du temps à la filtration des signaux pour supprimer les parasites provoqués par le courant et les antennes. Un premier boîtier récupère l’information GPS de l’EZ Guide 250 et effectue l’interface avec le tracteur. Le second boîtier a la main sur toutes les fonctions du Valtra. Le signal gratuit Egnos lui offre une précision suffisante, à condition de choisir les satellites. Le Valtra T150 étant équipé de l’option poste inversé, Guillaume se sert du second volant placé à l’arrière pour la direction en autonomie.

Pour l’entraînement, il a opté pour une couronne crantée afin de limiter le patinage engendré par les rouleaux classiques. Enfin, une petite caméra attachée sur le volant lui permet de suivre les informations du tableau de bord sur l’écran de son boîtier de pilotage à distance.

Prioritéà la sécurité

« Avec ce dispositif de contrôle issu du modélisme, je peux reprendre la main sur le tracteur à tout moment, insiste Guillaume. D’ailleurs, si le projet a été aussi long à développer, avec 350 heures de travail dont 300 de codage, c’est que je n’ai rien laissé au hasard pour la sécurité, et ça prend beaucoup de temps. »

À la moindre anomalie détectée ou lorsque le contact avec la télécommande est rompu, le tracteur s’arrête. En fonction du code erreur, Guillaume peut le redémarrer à distance ou doit intervenir en cabine. Un Lidar monté sur le capot avant se charge de détecter les obstacles. « Il offre une portée de 12 m sans erreur, précise Guillaume. Il est nécessaire de bien régler son angle car s’il plonge trop, il s’arrête au moindre brin d’herbe trop haut. Correctement ajusté, il détecte un piquet de clôture dans la parcelle. » Un bouton d’arrêt d’urgence monté sur une tige télescopique, installée sur le côté du traceur, complète le dispositif de sécurité.

Jamais seul

Le Valtra robotisé de Guillaume est pleinement opérationnel. Mais il n’est pas question de le laisser travailler seul dans une parcelle. « Si je me suis lancé dans cette robotisation, c’est parce que le revenu de l’exploitation ne me permet pas d’embaucher un salarié, insiste l’inventeur. Mon objectif, c’est d’affecter le robot à une opération pendant que j’en réalise une autre dans la même parcelle. »

Pour Guillaume, le premier test en conditions réelles se fera cet été lorsqu’il pilotera la moissonneuse-batteuse pendant que le tracteur autonome déchaumera. « La seule limite de mon système, c’est que le robot ne peut travailler qu’en ligne droite et ne gère pas les fourrières. J’attends aussi de voir son comportement dans les pentes mais il n’y a pas de raison que ça se passe mal, plaisante l’agriculteur-codeur. »

Le seul regret de l’agriculteur concernant ce bricolage hors norme ? « Ne pas l’avoir fait plus tôt car, à part le Lidar, toutes les technologies existaient déjà en 2004. »