Le double hangar à matériel interpelle pour une exploitation d’à peine 70 hectares. « Je travaille avec Marie-Paule, ma mère, qui gère les 80 ha familiaux depuis la retraite de mon père, explique Pierre Meyer, vingt-huit ans. Les deux structures cohabitent sur le même site. Elles sont juridiquement séparées, mais en réalité très imbriquées, tant pour les cultures que pour le matériel. Quand l’une possède le pulvérisateur, l’autre détient l’épandeur. Et ainsi de suite. » Ce schéma a été adopté à l’origine par ses parents et son parrain, chacun à la tête de leur ferme. Ce dernier cède les rênes de son entreprise à Pierre en 2013. Elle a une particularité : 11 ha se trouvent dans l’Indre, à sept heures de route ! « J’y ai semé blé, colza et orge pendant cinq ans. Les rendements étaient mitigés, d’où la mise en jachère de ces hectares. Ils restent utiles, car ils me servent à optimiser ma surface de maïs en Alsace. C’est le pilier économique de mon exploitation. »

Séchage en cribs

Dans ses terres limono-argileuses très caillouteuses, Pierre a « l’obsession de la performance ». Il sème trois à quatre variétés de maïs ayant besoin de 2 000 à 2 050 degrés-jour pour arriver à maturité. Il les désherbe et les bine, leur apporte 230 unités d’azote par hectare et les irrigue par pivot, rampe ou enrouleur. « En dix ans, le gain de rendement se chiffre entre 15 et 20 q/ha », constate le jeune agriculteur. Deux cribs lui donnent un coup de pouce décisif. Construits il y a trente et dix-sept ans, désormais amortis, ils logent quelque 600 tonnes d’épis. « J’économise le séchage. Le stockage est rémunéré. La vente en avril-mai permettait, jusqu’à récemment, d’obtenir quelques euros de plus à la tonne. Là, il n’y a plus guère de différence. Dans mon cas, le cribs procure une marge nette supplémentaire de 400 €/ha », confie Pierre. Il envisage d’en monter un supplémentaire, mais attend de savoir si la future Pac pénalisera ou non cette orientation.

 

Un cribs affiche 1,10 mètre de largeur pour 5,50 mètres de hauteur utile. Bien entretenu, il a une durée de vie d’une ciquantaine d’années. Une grosse partie du matériel de Pierre est amortie. Le corn-picker quatre rangs cueille de 8 à 10 hectares par jour. © Christophe  Reibel
Un cribs affiche 1,10 mètre de largeur pour 5,50 mètres de hauteur utile. Bien entretenu, il a une durée de vie d’une ciquantaine d’années. Une grosse partie du matériel de Pierre est amortie. Le corn-picker quatre rangs cueille de 8 à 10 hectares par jour. © Christophe Reibel

Tournesol semences

En 2014, l’exploitant délaisse blé et soja. Plutôt que la betterave, qu’il juge trop demandeuse de traitements, il choisit le tournesol semences. « Cette diversification tombait à pic. J’ai découvert une autre filière, une nouvelle technique, confie le jeune agriculteur. Le résultat économique est proche de celui d’un maïs, mais s’avère plus aléatoire selon les années. » En 2015, sa mère conclut un partenariat avec un maraîcher pour la production à façon de coriandre. Pierre est là pour fournir matériel et main-d’œuvre. L’an passé, cette activité complémentaire s’est étendue à la menthe et au potiron. « J’interviens pour le semis et le désherbage du second, précise-t-il. Nous estimons le travail et nous répartissons les charges à hauteur de l’utilisation du matériel. »

L’irrigation décisive

L’optimisation des charges est un sujet que Pierre a toujours à l’esprit. « L’irrigation est un moteur pour les rationaliser », affirme-t-il. Rampes et pivots équipent aujourd’hui 70 % de la surface. « Ils distribuent mieux l’eau. J’ai réduit mes intrants et mon temps de travail. » Dès que l’occasion se présente, l’agriculteur investit avec un collègue, comme encore en 2019. « Ce pivot électrifié, implanté chez moi, couvre une parcelle de 16 hectares, dont 6 ha à mon voisin, poursuit-il. Une seule pompe suffit. Les premiers accords pour irriguer de la manière la plus pratique et la plus économique possible datent des années 2000. »

Engagé au sein de Jeunes Agriculteurs, administrateur de sa coopérative, Pierre n’hésite pas à prendre du temps pour expliquer les problématiques de son métier aux personnes qui l’abordent, afin de « balayer les incompréhensions ». Lui et sa mère sont prêts à accueillir écoliers et collégiens. D’ici trois à quatre ans, à la retraite de Marie-Paule, il est prévu que son jeune frère Adrien s’installe à son tour. Ce sera sans doute l’occasion pour eux de créer un Gaec.

Henri Roy