Jean-Guillaume Hannequin a osé réaliser ce que ses collègues n’auraient jamais fait, bien qu’ils en rêvaient, explique-t-il : « Après avoir bourlingué pendant sept ans en Afrique, j’ai envoyé balader un gros salaire pour l’exploitation familiale. » Ingénieur dans l’industrie pétrolière, le Lorrain a subitement diminué ses revenus par dix. « À la tête de ma ferme, je dégage à peine 1 500 euros par mois. Mais pour rien au monde, malgré les difficultés, je ne ferai autre chose. »
« Voir ailleurs d’abord »
Spécialisé dans les grandes cultures et les bovins allaitants, l’éleveur s’est installé sur la ferme familiale située à Esnes-en-Argonne, dans la Meuse, en décembre 2008. « La vocation, je l’avais en réalité depuis tout petit, mais il me fallait sauter le pas. »
Sa mère, directrice d’école, lui disait quand il était enfant « d’aller voir ailleurs d’abord ». Son père agriculteur ne parlait pas de sa suite, « mais je pense qu’il aurait vécu comme un échec le fait que je ne reprenne pas la ferme », complète-t-il. Diplômé d’une école d’ingénieur à Metz, il est autant passionné d’Afrique et d’animaux sauvages que d’agriculture. Il choisit de poursuivre son premier dessein. « Dans la brousse, au Nigeria, en Angola…, il m’arrivait de penser à la ferme et à mon père. Il y avait pas mal de boulot à l’époque, et il commençait à vieillir. C’était important pour moi de le savoir bien. Mais je voulais aussi continuer mon job. » Cadet d’une fratrie de cinq enfants, il est le seul à s’intéresser à l’agriculture.
Quand sa compagne, professeur d’anglais, est mutée près de Verdun, à quelques kilomètres de la ferme, il y voit une évidence. « Je l’ai fait ! Je suis rentré, j’ai passé un diplôme agricole et j’ai osé m’installer. » Il se retrouve aux côtés de son père. « Nous avons fait une année et demie ensemble. C’était génial, se souvient Jean-Guillaume Hannequin. Je n’avais aucune responsabilité, on faisait bien notre boulot mais je ne gérais rien… Jusqu’au 30 juin 2010. Le 1er juillet mon père est venu me voir en me disant que c’était fini. » Il a pris sa retraite. Le métier est alors devenu « très rude. Ça n’est pas facile tous les jours. C’est même un grand mystère, quand je vois les impôts et les cotisations sociales que je paie et mon train de vie… Quelque chose ne va pas. Mais c’est aussi passionnant. J’espère que mes jumeaux de dix ans garderont à leur tour la ferme familiale dans quelques années ».