Sans grande surprise, le rapport interministériel « Plateaux techniques pour agroéquipements : état des lieux et voies d’organisation en réseau » rendu public ce 1er décembre 2016, pointe du doigt le manque de coordination et de moyens techniques pour tester des matériels agricoles en France. Les recommandations pour pallier ces problèmes sont une énumération de vœux pieux, à commencer par la nécessité de remettre le machinisme agricole dans les missions prioritaires de l’Irstea. Mais c’est dans les recoins du rapport que se cachent les informations les plus intéressantes, notamment concernant l’homologation européenne des engins agricoles.

Deux catégories de services techniques pour les tests

Effectif depuis le 1er janvier 2016, le règlement UE 167/2013 harmonise la procédure de réception des véhicules agricoles à l’échelle européenne. Il suffit donc à un constructeur d’homologuer sa machine dans l’un des pays de l’UE (Union européenne) pour que cette réception soit valable dans tous les autres États membres. Les tracteurs bénéficient d’une dérogation depuis plusieurs années et 95 % d’entre eux ont déjà une réception européenne. Chaque pays dispose d’une seule autorité de réception. Elle se prononce sur un dossier constitué par le constructeur, en lien avec les services techniques qu’elle a désignés et dont elle reconnaît la validité des tests qu’ils sont amenés à réaliser ou à superviser.

 

Les services techniques se répartissent en deux catégories. Les services de catégorie A effectuent eux-mêmes les essais dans leurs propres installations. Les services de catégorie B supervisent des essais effectués chez le constructeur ou dans les installations d’un tiers. La France a désigné les Dreal pour autorité de réception et l’Utac comme service technique. Ce dernier appartient à la catégorie A. Il en va de même en Allemagne où la DLG (société des agriculteurs allemands), qui réalise les essais sur sa plateforme, entre aussi dans la catégorie A.

Le Luxembourg réalise 31 % des homologations européennes

Comme le souligne le rapport interministériel, la France n’est plus que marginalement présente sur l’activité d’homologation des tracteurs avec seulement 2,6 % des réceptions européennes en 2015. L’Hexagone est pourtant le premier marché pour les ventes. On pouvait s’en douter, l’Allemagne se classe première au classement des homologations avec 33 % des tracteurs réceptionnés en Europe, une performance en adéquation avec ses ventes. La surprise vient de la seconde marche du podium, occupée par le Luxembourg qui réalise 31 % des homologations de tracteurs alors que sa part du marché européen des ventes ne dépasse pas 2 %.

Un marché européen de la réception

Ce petit pays a su exploiter le règlement UE 167/2013 et la suppression des monopoles nationaux sur les homologations pour s’imposer sur ce qui est en train de devenir un « marché de la réception ». Et la récente application de ce règlement à tous les types de machines agricoles risque d’aiguiser plus encore l’appétit de l’autorité de réception luxembourgeoise, chaque homologation étant facturée plusieurs dizaines de milliers d’euros. Le service technique désigné par la société luxembourgeoise de certification et d’homologation (SNCH), Luxcontrol, est un service de catégorie B, c’est-à-dire qu’il ne dispose d’aucune structure de tests.

 

Il constitue donc les dossiers d’homologation à partir des résultats fournis par les constructeurs sur la base de leurs propres tests. Dans certains cas, un technicien de Luxcontrol peut être amené à se déplacer pour assister aux tests. Luxcontrol accepte aussi les mesures faites par des services techniques d’autres pays. Les ingénieurs français qui travaillent sur les homologations d’engins agricoles se plaignent déjà depuis plusieurs années de cette hétérogénéité de tests entre les membres de l’UE. Le rapport interministériel a le mérite de mettre au grand jour une pratique légale mais contestable, qui n’aidera pas la France à remettre la main sur le marché de la réception des engins agricoles.