«En voyant la passion d’Olivier pour ses champs, j’avais envie de participer à l’aventure agricole, indique Marie Blanchard avec son léger accent espagnol. Alors, nous avons cherché un moyen d’être deux sur l’exploitation. » Installé à Serazereux, près de Dreux (Eure-et-Loir), Olivier cultivait 250 hectares avec un système classique, blé-orge-colza et livrait les grains à la coopérative.
Marie est commerçante, elle possède son magasin. Un jour, elle demande à son mari ce que devient son blé. Olivier ne sait pas. C’est le déclic. Marie se forme et obtient un BPREA (1) en 2015, puis s’installe sur l’exploitation, en reprenant 40 ha. Son objectif est de transformer les cultures produites par Olivier et de les vendre en direct. Après une longue réflexion, le couple opte pour une diversification en légumes secs et en farine.
Conversion au bio
Deux ans après le virage, en 2018, l’exploitation a commencé sa conversion à l’agriculture biologique. Les cultures sont choisies en fonction des opportunités de marché et de la météo. La rotation alterne cultures de printemps, d’été et d’hiver (voir infographie). « J’ai toujours un “plan B”, explique Olivier. Cette année, je n’ai pas pu semer du colza, alors je vais faire du blé. Et si les conditions météo ne sont pas satisfaisantes, cela pourra être du tournesol. C’est un système très flexible. »
Pour sauter le pas, le céréalier commence par intégrer quatre nouvelles cultures : lentille, pois chiche, haricot grain et maïs pop-corn. Des cultures rares en Eure-et-Loir. « Pour les pois chiches, j’ai fait des tests dans le jardin, et je me suis lancé, raconte-t-il. Je sème avec un semoir à céréales en mars, et je récolte en août, sans intervention, même pas un binage. Pour les haricots, mes parents avaient le matériel : je sème au monograine, puis nous passons l’arracheuse. Ils sèchent sur le sol, et nous les récoltons avec une machine à arachides, qui benne pour vidanger les grains sans les casser. »
Quant à la fertilisation, les légumineuses apportent naturellement de l’azote et l’agriculteur ajoute 2,5 t/ha de fiente de Bretagne.
De multiples cultures
Pour les besoins de la commercialisation, Olivier cultive quatre types de lentilles : verte, beluga, flora, corail, et huit de haricots : lingo, flageolets, noirs, rouges, coco blanc, pinto, saint-esprit, dalmatiens. « Sur les marchés, il nous faut du choix et diverses couleurs afin d’attirer l’œil », explique Marie.
Pour le matériel de culture, l’EARL Le Déserta investi dans une bineuse à caméra (Carré-Présicam) et dans une machine à cacahuètes, qui vient d’Espagne. « Nous n’avons eu aucune subvention, et nous attendons toujours les aides bio », indique Olivier.
En trois ans, les récoltes ont été bonnes, autour de 20 q/ha pour les lentilles et les pois chiches. Mais l’agriculteur s’empresse d’ajouter : « Nous ne regardons pas le rendement, mais la qualité. Il vaut mieux qu’il manque des grains à la fin de l’année qu’avoir du stock. »
Les légumes sont alternés avec une multitude de cultures – sarrazin, quinoa, petit épeautre… –, mais l’exploitant conserve également les céréales d’hiver. Le blé est semé de novembre à février, en fonction de la météo, à 400 g/m², assez dense afin d’étouffer les mauvaises herbes. L’interrang est de 25 cm pour biner. Les rendements 2019 varient de 40 à 50 q/ha. « C’est compliqué car les prix du blé en deuxième année de conversion ont chuté de 280 €/t en 2018 à 180 €/t en 2019. Heureusement qu’il y a les légumes », souligne-t-il.
Sans cesse à la recherche de nouvelles astuces et d’amélioration, Olivier a testé des semis de haricots à la volée dans les rangs de maïs. « Ceux qui se trouvent dans l’interrang sont trop loin pour remonter sur le pied du maïs, note-t-il. L’année prochaine, j’essaie les deux cultures sur le rang. » Ainsi que des lentilles semées à la volée dans des pois chiches.
Pour maîtriser la commercialisation, la SARL Saveurs de nos terresa investi environ 250 000 € dans de nombreux outils de triage : séparateur (Petkus), table densimétrique, épierreur, trieur optique… Mais aussi dans un moulin, un sasseur et une ensacheuse. Les farines – blé, maïs, pois chiche… – et les légumes secs sont vendus sur les marchés, aux collectivités et à un meunier. Quelques cultures, comme le tournesol ou une partie des blés, sont vendues à une coopérative.
Le couple vient d’acheter une machine à pop-corn pour les marchés et s’apprête à commander une presse à l’huile, afin de compléter sa gamme de produits. « Nous travaillons beaucoup. Nous sommes fatigués, mais plus heureux qu’avant, et libérés », conclut Olivier.
Aude Richard
(1) Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole.