Les flèches de la cathédrale de Chartres se distinguent difficilement derrière le bâtiment flambant neuf. Mais les tas de blé de la nouvelle récolte, eux, sont bien présents et déjà stockés. Marjolaine Pelé compte sur ce nouvel équipement pour obtenir des opportunités en termes de production et de commercialisation. Il y a cinq ans, cette mère de cinq enfants reprend la ferme de son père, à Mainvilliers, près de Chartres. Ancienne pédicure-podologue, elle passe un brevet professionnel (BPREA) et s’installe comme agricultrice sur la ferme de 145 ha. Elle cultive du blé tendre sur plus de la moitié de la surface, de l’orge, du colza et des betteraves. Jusqu’à présent, elle possédait un stockage de 300 t, vétuste et difficilement accessible. Elle livrait le reste des céréales, soit les deux tiers, à la coopérative voisine, Axéréal, avec un acompte à la moisson, puis en prix ferme. « Quand les céréales sont livrées à la coopérative, nous pouvons vendre aux moments les plus propices du marché, mais nous n’avons plus le choix de l’acheteur. Avec le stockage, je maîtrise ma commercialisation », indique Marjolaine.

Lorsque la coopérative décide de fermer le silo à proximité de la ferme, c’est le déclic. Marjolaine, soutenue par son mari qui possède une ferme à 50 minutes de Chartres, décide de construire un nouveau bâtiment de stockage de 1 000 m². Il est équipé de quatre cases pour stocker à plat 1 000 t de céréales sur 700 m², et 300 m² sont réservés au rangement du matériel. Un ventilateur avec une gaine spiralée refroidit les tas de grains de 35 à 10 °C grâce à des caniveaux implantés dans le béton tous les 3 m, recouverts de grilles perforées (Les Mergers). Le grain peut ainsi être stocké sans insecticide, « c’est très apprécié par les meuniers », ajoute Marjolaine, qui envisage une plus-value grâce à ces nouveaux débouchés.

L’agricultrice a profité de la construction du bâtiment pour produire des énergies renouvelables : des panneaux photovoltaïques sont installés sur le toit pour une puissance de 99 kWc. Avec un contrat sur vingt ans avec Synelva, entreprise locale de distribution électrique, et un tarif d’achat d’environ 0,11 €/kWh, Marjolaine devrait amortir l’installation entre huit et dix ans.

Une meilleure valorisation de la qualité

Certaines coopératives et négoces proposent une rémunération du stockage pour compenser ces charges, environ 7 €/t pour le blé, 15 €/t pour le colza, dans le secteur. Des majorations de stockage, autour de 0,47 €/t stockée par quinzaine pour du blé, peuvent également être octroyées. Pour Alexandre Pelé, le mari de Marjolaine, qui possède du stockage sur sa ferme, c’est un travail supplémentaire et source d’indépendance. « La commercialisation est différente, car on connaît la qualité des grains. On ne discute pas de la même façon. Il est possible de comparer les différentes offres de chaque organisme stockeur et de négocier. Même si un barème est établi en début de campagne, il est possible de s’adapter en fonction de la marchandise disponible au cours de l’année. Certains ne voudront pas d’un blé améliorant à 13,5 % de protéine, alors que d’autres l’accepteront volontiers. »

De nouvelles opportunités

Grâce à l’allotement, la céréalière vise d’autres cultures, plus rentables. Dès la prochaine récolte, elle a prévu de semer du blé améliorant, ainsi que du blé en contrat de semence, avec l’objectif d’une plus-value de 30 à 50 €/t supérieur au prix du blé tendre. Pour les cultures de printemps, cela risque d’être compliqué. « Avec les pigeons sur la cathédrale, je ne peux pas implanter de pois ou de tournesol. Les dégâts sont irréversibles. »

Marjolaine, qui souhaitait un bâtiment modulable, imagine également d’autres valorisations. « On ne sait pas ce que nous réserve l’avenir. Il pourrait peut-être servir de stockage pour un OS en prestation de service ou de garde-meuble. »

Enfin, l’agricultrice apprécie ce nouveau confort de travail et la meilleure organisation, répartie sur toute l’année avec des chargements l’hiver. « Nous recherchons un employé. De bonnes conditions peuvent faire la différence », conclut-elle. Aude Richard